(AUT) Schuiten, François Bruxelles - Itinéraires
L
es éditions Casterman et Lonely Planet innovent dans l'univers des city [guides] en associant un auteur de bande dessinée à une ville. Quatre guides sortent simultanément : New York, Rome, Venise et Bruxelles.
Les auteurs qui ont pour muse une ville et qui, par leur célébration, en font un acte fondateur de leur œuvre, ne sont pas légion. Si Tardi est largement identifié à Paris, il est vraisemblable que Schuiten aurait eu une trajectoire artistique différente s'il n'avait pas vécu à Bruxelles. Dès lors, le choix fait par Casterman et Lonely Planet pour illustrer leur nouveau guide Bruxellois devient évident.
Délaissant l'aspect pratique et gastronomique qui a fait la renommée de Lonely Planet, c'est plus sur l'histoire de la ville que s'attarde cette nouvelle collection. Itinéraires, comme son nom l'indique, propose d'emprunter huit trajets pour découvrir la métropole. Décrit avec minutie par Christine Coste, avec des zooms historiques ou culturels, ainsi que des anecdotes en marges décorées de vignettes dessinées par Schuiten, chaque parcours invite à entrevoir le foisonnement architectural des différents quartiers de la capitale.
Au premier chef, le fameux palais de justice, gigantesque superstructure avant l'heure qui pèse sur la cité, inachevé, aux plans définitifs jamais dévoilés et dont l'épopée oscille entre Kafka et Courteline. Autre thème récurrent chez le dessinateur et dans l'urbanisme de la ville, l'enchevêtrement hétéroclite d'architectures, mélangeant époques et origines sociales, fruit de promoteurs immobiliers sans scrupules, de plans d'aménagements inaboutis, aussi frénétiques que fugaces. Enfin, c'est avec grand plaisir que l'on retrouve l'évocation de l'œuvre de Horta, disséminée ici et là dans la métropole. Ce sera aussi l'occasion, au gré des monuments, de ses pièces maîtresses et de ses recoins, d'en apercevoir la richesse historique.
S'il accrédite de manière tacite et ludique la théorie d'un point de passage entre la réalité et le monde des cités, ce guide décontenance le voyageur sur le départ en le mettant en appétit de découvertes par un rédactionnel enthousiaste et rigoureux mais abondamment illustré par une Bruxelles fantasmée, déformée par le filtre de la perception Schuitennienne. Au final, le futur visiteur ne sait pas véritablement à quoi s'attendre sur le plan visuel, ou risque une certaine déception en passant de l'autre côté du miroir, celui que lui réserve la réalité. En revanche, le bédéphile familier de l'univers de Schuiten prendra sans doute plaisir à redécouvrir les édifices in situ, dépouillés de leurs attributs "obscurs".
Consulté dans un salon, ce guide incite à se convaincre que la série maîtresse du duo bruxellois ne raconte peut-être qu'une seule et même ville : Bruxelles.
6.0