Cecil et Jordan à New York

C ontrairement à la présentation qu’en fait l’éditeur, Cecil et Jordan à New York n’est pas la première publication en France de la délicate Gabrielle Bell, jeune dessinatrice issue de la scène alternative américaine. En 2005, un précédent recueil aux éditions de l’An 2 (Quand je serai vieille et autres histoires…) rassemblait neuf histoires courtes, dessinées entre 1998 et 2004, traitant, déjà, du malaise post-adolescent, de la difficulté de s’affirmer et d’être dans la solitude des grandes villes. Gabrielle Bell y imposait une écriture sensible et aboutie, sur la famille, l’amitié ou la création, empruntant aussi bien aux codes de l’autofiction qu’à ceux de l’autoportrait.

Les onze nouvelles, qui composent la présente anthologie, s’inscrivent à nouveau dans la veine de l’exploration de l’intime et de l’expression du moi. L’auteure s’y interroge sur les mêmes thèmes et s’attache à décrire, avec beaucoup de sincérité, l’aliénation et le mal-être de sa génération, au travers de doubles fictionnels inspirés d’elle-même ou de ses proches. La narration très elliptique se teinte volontiers d’un soupçon de réalisme magique, quand à chaque récit est réservé un traitement graphique différent : bichromie soignée et encre de chine, couleurs à l’huile ou à l’aquarelle, noir et blanc impeccable. Tout cela atteste, malgré la redondance du propos, d'une personnalité très affirmée, développant un univers mi-onirique mi-fantastique sur la difficulté à habiter le monde et où New York apparaît comme l'un des foyers anxiogènes de l'urbanité contemporaine. Rien d’étonnant, d'ailleurs, à ce que l’histoire inaugurale, qui donne son titre au recueil, ait plu à Michel Gondry, qui l’a adaptée dans Interior Design, l’un des trois segments du film collectif Tokyo !

Moyenne des chroniqueurs
6.0