Hair shirt

D epuis sa rupture, John traîne sa mélancolie jusqu’à ce qu’il retrouve Naomi, une amie perdue de vue à la suite de la mort de Chris, le frère aîné de la jeune femme. Mais pour que la vie s’affirme, pour que l’amour puisse éclore, il leur faudra parcourir le chemin tortueux qui les ramène à l’enfance, aller et venir entre l’hier et l’aujourd’hui, affronter les stigmates du passé, autant de marques et de douleurs indélébiles, de cauchemars et de zones d’ombre. Leur histoire s’inscrit dans la logique de la faille, du malaise, de la plaie qui ne s’est jamais refermée.

Hair Shirt, c’est le récit fantastique de deux solitudes, d’un rapprochement fragile et d’une errance sentimentale. Juste un fait divers bouleversant mis en scène par Patrick McEown jusqu'à l'élever au rang de tragédie, les souvenirs d’une innocence perdue, une méditation sur le traumatisme et la culpabilité, sur un cauchemar d’enfants hantés par un mal insondable. Personne n’est innocent, paraît souffler McEown, et l’on ne peut revenir en arrière. La réconciliation semble impossible tant les personnages sont englués dans le passé, dans un insurmontable travail de pardon, placé sous le sceau de l’échec et de la défiance.

Évidemment, à trop jouer sur le ressenti des premiers émois, à prolonger les scènes oniriques, l’album vire parfois au mélo poussif et se farde d’un maniérisme un peu pesant. Ce serait pourtant méconnaître les mérites d’une narration dense et complexe, d’un dessin tremblé et de couleurs affadies qui siéent particulièrement bien à la collection Bayou. Et puis, l’on sait Pat McEown capable de prouesses. En attestent ces quelques planches, publiées dans le premier numéro de Weasel, auprès de celles de Dave Cooper (Ripple : une prédilection pour Tina), dans lesquelles des personnages se poursuivaient dans tous les sens (de lecture) dans un lacis de cases figurant chacune une pièce, où les gouttières tenaient lieu de portes ou d'escaliers quand les bandes se muaient en étages. Loin de ce dédale formel, Hair Shirt n'en figure pas moins un autre labyrinthe : celui où s'ébattent en vain des adolescents prisonniers de leur mal-être.

Moyenne des chroniqueurs
6.0