Sky-Doll 3. La ville blanche
T
ous les regards du peuple de Papathéa se tournent vers Gatamaigre, relais spatial chargé de retransmettre en direct l'arrivée triomphale des hérauts Roy et Jahu. L'agitation médiatique secouant la station orbitale cache néanmoins le chaos indescriptible qui se répand à la surface de Papathéa. Sur la planète, la guerre civile fait rage et les rebelles, partisans de l'immaculée Agape, agressent l'autorité implacable de la papesse Ludovique.
Perdus dans ce vacarme politico-religieux, les esprits de Noa, Roy et Jahu, nauséaux à l'extrême, se remettent tout juste de leur mission purificatrice sur la planète Aqua. Fardés et vêtus pour la circonstance, les voici projetés sur le devant de la scène médiatique...
Soleil propose avec cette édition 2B une conclusion alternative à Skydoll, série parmi les plus populaires de l'éditeur. Le final de cet album entremêlant roughs et crayonnés ne sera pas donc pas celui de la version colorisée ( janvier 2005), qui offrira du même coup une nouvelle longévité à la série. Coup marketing ou véritable désir de montrer la BD sous un autre angle (celui de l'ébauche), il faut admettre que La Ville Blanche est un bel objet. Couverture attrayante, grand format, papier de qualité supérieure, ce tome a de quoi attirer de nombreux amateurs.
Difficile de juger un album qui a bâti sa réputation sur le travail de son couple d'auteurs: Barbucci aux crayons, Canepa aux couleurs. Le tandem est ici amputé de sa moitié... même s'ils signent conjointement le scénario de la série. Le résultat reste cependant saisissant.
La Ville Jaune, premier album de Skydoll avait séduit par un style raffraîchissant, annonçant l'invasion prochaine d'une floppée de professionnels de l'animation dans l'univers de la BD (Alary, Pedrosa, Poli, ...). La découverte de ce nouvel univers bariolé, luminescent, légèrement 70's, cédera ensuite la place dans Aqua à une cruelle illustration, impérialiste, du pouvoir tel qu'il est exercé par l'autorité de Papathéa. A l'image des idéaux dévastés de Roy, La Ville Blanche, troisième tome de la série, marque un aller-simple pour le cynisme et le retour à la dure réalité, illustré ici par l'outrageuse médiatisation de la sainte mission sur Aqua et les jeux politiques des deux factions religieuses.
La critique de notre société (et plus encore, celle de la société italienne) est ici à peine voilée tant les scènes auxquelles nous assistons nous paraissent familières. Mais à cette critique, il faudra souvent ajouter une seconde couche, complexifiant un peu plus le message de la série, ou la plongeant dans un certain relativisme, selon les goûts de chacun. Pour seul exemple, la présentatrice ultra-médiatique n'est pas seulement l'être abjecte et gavée d'audimat qu'elle peut paraître. Elle offre de surcroît à tous ses employés l'asile politique sur Gatamaigre, les sauvant des troubles secouant la planète mère. L'idée de profondeur est donc louable mais perd beaucoup de sa force à croiser sans cesse les intérêts des multiples protagonistes. Elle n'est en que plus atténuée lorsque le message final s'affichera en gras dans les dernières pages de l'album: toutes les religions se valent, restez maître de votre destin, croyez en l'amour, ...
Sur le plan graphique, on apprécie beaucoup la légèreté des quelques planches durant lesquelles Noa et Roy échapperont à la furie médiatique environnante. Ces quelques passages justifient, à mon sens, pleinement la double lecture que nous offre à gauche la page de rough, à droite celle du crayonné final. Délestées de ses mille et un détails précédents, ces pages gagnent beaucoup en lisibilité. On cerne également mieux à travers les différentes versions la façon de créer le dynamisme d'une planche.
Presque disneyen, ce final mérite tout de même de clore temporairement cette aventure en beauté. Sans surprise, La Ville Blanche parvient néanmoins à éviter le sentiment d'indigestion qu'une critique sociale boulimique et trop assaisonnée annonçait.
7.3