L'ancien temps 1. Le roi n'embrasse pas
E t si le premier tome de l’Ancien Temps s’analysait comme un négatif du Petit Prince ? Dans ce dernier album, Joann Sfar devait composer avec les rigueurs de l’adaptation quitte à s’imposer un gaufrier bien encombrant. Autant de contraintes qui juraient avec ce à quoi l’auteur, en habitué de l'école buissonnière, nous avait accoutumés. Il n’avait d'ailleurs jamais paru particulièrement goûter les jeux de l’Oubapo chers à certains de ses compagnons d’échappée. En contant l'histoire de Nadège et Cassian, Joann Sfar renoue ici avec plus de liberté et quelques unes de ses préoccupations habituelles. Dans cette fresque pleine de fantaisie héroïque sensuelle et enluminée, l’auteur laisse libre cours à ses fantasmes, à ses obsessions. S’il y est bien sûr question d’aventure et de rite de passage, on retrouve aussi ce formidable sens de la narration, une appétence pour le dialogue et la rhétorique relevés d’un soupçon de maïeutique grivoise et d’une pincée de tropisme niçois. Au fil de quelques très belles planches, rehaussées par les couleurs de Brigitte Findakly, se déploie un imaginaire fertile où la vie déborde de toute part, où le bestiaire semble familier. Comme souvent, les animaux se font volontiers philosophes, les femmes entreprenantes, les vieux libidineux et les jeunes hommes empotés. Mais si l'œuvre est attachante, le résultat semble pourtant manquer d’originalité. Ainsi, si Joann Sfar paraît toujours aussi inspiré, il donne parfois l’impression de se paraphraser, comme s'il n'en finissait pas de recomposer le même album autour d'un univers fantasmagorique toujours semblable et de thématiques maintes fois éprouvées. L’Ancien Temps, c’est du Sfar à son meilleur… à condition de ne pas trop en avoir lu.
6.3