Noir c'est noir

L es nouvelles de Tim Lane se peuplent de déclassés, de laissés-pour-compte. D'ailleurs, à mesure que se déploie un noir puissant et fiévreux, que s'épanche une prose très romanesque, Lane n'a de cesse d’invoquer les récits de Kerouac, d’Eisner ou de Steinbeck. Autant d'histoires où s’ébattaient déjà fermiers errants, clochards célestes et autres vagabonds que le rêve américain avait laissés sur la route et qui voyageaient, faute de mieux, à bord de trains de marchandise. Autant de figures marginales et emblématiques de l’Amérique de la dépression, du New Deal, puis du Welfare State de l’après-guerre, qui ont nourri les écrits de la génération Beat, puis les premiers graphic novels.

Si les personnages de Lane semblent avant tout inspirés et mus par la frustration et la désespérance, ce désir pulsionnel d’avaler les kilomètres, ce goût pour les équipées sauvages et cette volonté de reconquérir un espace qui leur a échappé peuvent aussi bien passer pour un souci de rédemption, une nouvelle quête de soi. L’aventure se fait intérieure, Tim Lane de mêler étroitement sa vie à son récit au point d'en faire progressivement la substance. Dans l’écriture et le dessin s'enchevêtrent ainsi la réalité, le rêve, les souvenirs, les hallucinations, pour aboutir à une méditation sur la vie.

Premier recueil d’une série de trois, Noir c’est noir impose d’emblée Tim Lane comme un auteur à suivre de très près et dont il faudra prendre soin de ranger l’œuvre aux côtés de celles d’un Charles Burns ou d'un Will Eisner.

» Jackie No-Name, le site de Tim Lane.

Moyenne des chroniqueurs
7.0