Les Épées de verre 1. Yama

U ne épée dotée d’un étrange pouvoir tombe du ciel et se plante dans la roche sacrée d’un village. De nombreux habitants interprètent l’évènement comme un mauvais présage. Achard, leur chef, y voit un encouragement à prendre les armes et à se révolter contre Orland, leur maître, qui fait régner la terreur en les pillant et en s’appropriant leurs femmes. Par peur d’être massacrée, la foule se retourne contre lui et l’assassine. Arc-en-ciel, son épouse, est livrée au tyran. Ayant assisté au drame, Yama, l’enfant du couple, la seule à avoir pu toucher l’épée sans être vitrifiée, prend la fuite et fait le serment de revenir s’emparer de l’arme et de venger ses parents. Sa route ne tarde pas à croiser celle de Miklos, qui se dit très intéressé par la rapière et lui propose un marché.

Epée enfoncée dans un roc qui ne peut être extraite que par l’élu, déchéance de deux guerriers puissants et respectés, liés par une forte amitié, mais devenus rivaux dans la conquête d’une femme, clé d’une énigme devant être délivrée par la réunion de plusieurs éléments, existence d’une porte qui ouvre vers un monde salvateur, caractère bien trempé d’une jeune héroïne mue par un désir de vengeance mais dont la sensibilité est susceptible de se modifier, mélange de Fantasy, d’Anticipation, de Légendes médiévales,… les impressions de déjà lu ou déjà abordé ne manquent pas à la lecture de ce premier opus. Et pourtant, le récit imaginé par Sylviane Corgiat fonctionne. Sans jamais lasser, il capte l’attention et suscite de plus en plus d’intérêt au fur et à mesure que l’histoire se développe. Le contexte pré-apocalyptique d’une proche extinction du soleil est bien posé. La répétition des dérèglements climatiques de plus en plus fréquents et de plus en plus violents, couplée à l’accélération de l’insertion des flash-backs qui dévoilent la teneur de la prophétie et apportent un éclaircissement sur le passé de Miklos, font monter la tension. Sur le plan humain, la façon dont vont évoluer et vont devoir composer Miklos et Yama, l’un avec l’autre et pour atteindre leurs objectifs intrigue. Enfin, quelques questions taraudent : les épées pourront-elles toutes être extirpées par Yama ou existe-t-il d’autres élus ? Le jeune enfant qui accompagne Arc-en-ciel sur la dernière planche en est-il un ? Est-ce un frère ou une sœur, un demi-frère ou une demi-sœur de Yama ? Comment et dans quelles conditions l’ancienne épouse d’Achard a-t-elle traversé le temps qu’il a fallu à la jeune héroïne pour devenir une jeune femme ?

La partition graphique que livre Laura Zuccheri est remarquable. Réalisée à l’aquarelle (retouchée avec des encres ?), elle retranscrit les émotions et les ambiances avec finesse, délicatesse et précision. Les cases sont travaillées jusqu’aux menus détails et le résultat de la composition de certaines d’entre-elles donne un rendu proche de celui d’une photographie. Les cadrages sont très variés, les paysages de toute beauté, quelle que soit la saison. La couverture de l’album fait instantanément penser à du Léo. Les planches visitées, l’élégance du bestiaire confirme cette impression.

Au-delà du sentiment de déjà-vu qu’il peut susciter de prime abord, ce premier opus des Epées de verre, qui joue sur le registre d’un mélange des genres, s’avère vite être très bien construit, rondement mené et illustré avec une telle virtuosité que le lecteur est rapidement accroché et suffisamment intrigué pour éprouver le désir de soutenir les auteurs et de poursuivre l’aventure. Une découverte prometteuse, à lire et à suivre!

Moyenne des chroniqueurs
7.0