L'affaire du siècle 1. Château de vampire à vendre

D ans un Paris en proie à la panique semée par des agressions vampiresques, le jeune "Tony du métro" tombe sous le charme d'une mystérieuse serveuse blonde prénommée Cora. Après de courtes péripéties, il s'avère que Cora est en réalité une jeune vampire rêvant de vivre au calme dans un château transylvanien. Et son seul salut, pour empêcher un émir du nom d'Abel de transformer son futur havre de paix en pizzeria médiévale, est de voler les millions nécessaires au chef de la mafia locale (le sémillant Don Argoli) pour qui elle travaille en réalité en qualité de croupière dans un casino clandestin.
Or, que le hasard est bien fait, le séduisant Tony qui lui aussi est un vampire ("enfer et damnation !" pourrait-on dire), s'offre de l'aider dans cette folle aventure. En parallèle, une sombre histoire de chantage s'intercale dans l'intrigue, permettant l'apparition de l'indéfinissable James Brand de Sherwood, autre vénérable suceur de sang, dont le rôle reste aussi impénétrable que l'est la suite de l'histoire.

Racontée ainsi, l'intrigue de "l'affaire du siècle" pourrait paraître confuse. Que le lecteur se rassure : elle l'est. Et malheureusement ce n'est pas le seul problème. On a en effet bien du mal à hiérarchiser les défauts de cet album, qu'ils soient au niveau visuel ou scénaristique.

Avant même de commencer sa lecture, on est frappé par le graphisme. Choqué serait plutôt le mot, puisque chaque élément donne une impression d'amateurisme complet. Le dessin, d'une banalité affligeante, multiplie les erreurs de perspective ou anatomiques, les mouvements sont mous, les couleurs criardes et le découpage n'est absolument pas adapté au format de l'album. Pour ce dernier point, on en vient même à se demander si les dix premières planches étaient conçues pour le média.

Le lettrage, quant à lui, est aussi catastrophique que les onomatopées ridicules qui approchent davantage de la cacophonie que du fond sonore. L'ensemble donne un collage bizarre et incohérent qui empêche toute concentration sur la lecture.

Le scénario est à l'avenant. Tout comme le dessin, la narration évolue dans son traitement (les premières planches étant indéniablement du type "story-board" avec des explications de textes hilarantes de platitude), gagnant en cohérence mais certainement pas en intérêt. L'histoire est décousue, les dialogues sont idiots, le rythme désordonné.

Qu'on ne s'y trompe pas, "l'affaire du siècle" n'est pas le pire album de la décennie, ce qui aurait pu lui donner un intérêt, même mineur. L'indigence artistique n'est malheureusement pas une denrée rare dans l'impressionnante production BD qui se déverse chez nos libraires. Tout au plus, ce titre (qui porte d'ailleurs bien mal son nom) ne mérite que d'être ignoré comme le sont la plupart du temps les premiers albums mal foutus qui ne verront jamais de second tome. N'oublions pas qu'il s'agit là d'auteurs débutants dans ce domaine, et que cinéma et Bande Dessinée ne sont pas des moyens d'expression identiques.

Il y a certainement de grandes ambitions derrière ce produit raté, les auteurs étant souvent de grands enfants qui ont du mal à prendre du recul sur leur travail. Ne leur jetons donc pas la pierre.
Par contre, le directeur de collection qui a laissé publier ce résultat, lui mérite le goudron et les plumes. C'est du moins un avis personnel.

C'est assez étrange, car quelque part, on est tenté de trouver ça et là, dans la construction d'une case ou le type de dialogue, une ressemblance avec la BD des années 80. Funeste période, mais qui a ses nostalgiques. On a la drôle d'impression de lire un mauvais Lauzier qui aurait dessiné sous acide. Faut-il voir là une tentative d'approcher un art qui a fait rêver autrefois ? Ce serait alors une belle motivation, même si le résultat est malheureusement et définitivement raté.