Où le regard ne porte pas... 2. Où le regard ne porte pas...

M élancolie, fatalité, espoir, ... On peine à définir le sentiment qui domine la lecture de ce second et dernier tome de Où le regard ne porte pas. Tout dépendra peut-être des attentes de chacun. Certains regretteront la légèreté des embruns méditerranéens lorsque d'autres s'engouffreront sans regret aux côtés de Nino, William, Paolo et Lisa au coeur de la forêt costaricaine. Sans doute trouve-t-on là l'une des forces d'un tel récit: la possibilité pour chacun de placer sa lecture sous son sentiment le plus personnel.

Les talents de conteur de G. Abolin travaillent également à trouver les mots justes, les situations propices à nous rappeler nos propres moments passés entre amis, à mettre en scène les ambiguïtés et les moqueries qui soudent un groupe. Lisa et ses amis ont grandi et pourtant on partage avec eux la joie sincère de leurs retrouvailles.

Le thème central des vies antérieures apportent une gravité tout juste effleurée auparavant. Devenus adultes, Paolo, William, Lisa et Nino prendront conscience de ce lien indéfectible qui les unit à travers le temps. Ce qui n'était qu'un jeu deviendra alors une véritable quête de sens.

Que les nostalgiques se rassurent, on retrouve beaucoup de l'ambiance du premier tome. L'amitié des enfants devenus adultes est, bien sûr, toujours au coeur de l'album. Il y a aussi ces petits détails, égrénés tout au long du récit, comme la photo du père de William reconvertit dans la conserve, qui nous renvoie un instant sous la douce torpeur méditerranéenne, comme le ferait un véritable souvenir. Ce second tome ne souffre donc pas vraiment de la rupture totale d'ambiance que l'on aurait pu craindre, à juste titre.

Imaginé puis dessiné comme une seule et même histoire, ce second tome nous offre un dessin d'une qualité équivalente à celui du premier volet. Avec la diversité des lieux traversés et des scènes évoquées les décors gagnent une profondeur et une richesse qui manquait peut-être aux paysages de Barellito. Les panoramas d'Istambul, la luminosité de la jungle costaricaine, le charme des paysages oniriques, procurent au lecteur un véritable dépaysement. A l'illustration d'Olivier Pont il faut également associer le travail tout en nuances du coloriste, J-J Chagnaud.

On retrouve également de ces respirations graphiques largement présentes dans le premier tome. Pour exemple, la quasi absence de dialogues lors de la découverte d'un village en pleine jungle. L'immersion est à cet instant totale. Tout juste imagine-t-on la rumeur de la faune environnante, le bruit des branches brisées sous le pas des explorateurs...

Abolin, Pont et Chagnaud ont su trouver l'harmonie qui fait de Où le regard ne porte pas un récit au charme rare.