Mamohtobo

D ans la glaciale Sibérie, nombreux sont les hommes dont la vie dépend de la mer. Fiodor est de ceux-là. Avec ses camarades, il embarque sur le brise-glace n°13 pour une mission apparemment sans risque. Cette fois, il part le cœur plus léger que d'ordinaire, car à son retour il épousera la belle Taïssia. Mais la nature ne facilitera pas la tâche des marins, qui se retrouvent bloqués par la banquise, d'où surgissent des défenses de mammouths. A terre, la belle promise voit apparaître sur sa robe de mariée de bien étranges motifs.

A la fois récit cruellement authentique et conte onirique, Mamohtobo est un véritable ovni. Le graphisme enlevé, lâche, presque brouillon, ajoute au sentiment d'irréalité. L'ambiance froide et exotique est servie par des couleurs à dominantes brune, blanche et verdâtre.

Il était ambitieux de la part de Nancy Peña de mêler une légende indienne au grand froid sibérien. Mais la talentueuse scénariste prouve une nouvelle fois qu'elle maîtrise les ficelles du mystère et de l'étrange. Elle entraîne le lecteur dans les vies de ces hommes et femmes qui doutent, rêvent, vivent tant bien que mal dans un environnement hostile. Le bouillonnement des sentiments s'oppose à la fraîcheur du climat, l'isolement favorisant chez les hommes l'apparition de conflits. De leur côté, les femmes cherchent au contraire à faire corps pour supporter la séparation.

Tous les éléments sont réunis pour faire de cet album une bonne bande dessinée. Cependant, le récit souffre de la sortie, ces derniers mois, de nombreux opus ayant pour décor les grandes plaines froides, donnant à celui-ci un air de déjà-vu. De plus, bien que le talent du jeune Gabriel Schemoul soit indéniable, le trait rappelle de façon un peu trop prononcée un grand de la BD que le dessinateur fréquente depuis ses débuts : Sfar. Les croquis et les couleurs passent du détail très travaillé au brouillon, sans cohérence apparente, rendant la lecture parfois difficile, la difficulté à reconnaitre les personnages d'une planche à l'autre devenant un obstacle.

Malgré tout, et même si Nancy Peña avait habitué ses lecteurs à une originalité plus prononcée, Mamohtobo constitue une escapade agréable et dépaysante.

Moyenne des chroniqueurs
6.0