Inès (Dauvillier/D'Aviau) Inès
D
eux jeunes couples sont voisins de palier. Rien ne les différencie en apparence, si ce n’est que dans l’intimité d'un des deux foyers, une petite fille et sa maman se retrouvent à la merci d’un père et conjoint violent.
Les auteurs de Ce qu’il est reste, récit déjà axé sur le couple, renouvèlent leur collaboration avec un sujet grave et tabou rarement abordé en bande dessinée : celui de la violence conjugale. Dépendance économique, agressions physiques, psychologiques puis finalement sexuelle, Inès dénonce sans chercher à expliquer, toutes les formes que peuvent prendre ces maltraitances, mais également l’indifférence et la passivité de l’entourage.
Grâce à un scénario en quatre actes relatant un peu plus de vingt-quatre heures de la vie du couple, Loïc Dauvillier a su donner l’impression de banalité et de répétition des sévices subis, sans alourdir ou complexifier son récit. Appuyé par le trait noir et blanc de Jérôme D'Aviau, à la croisée entre ligne claire et manga, notamment au niveau des expressions des visages, les auteurs jouent sur les contrastes pour créer et faire ressortir les tensions. Le dessin s’assombrit, se salit lors des scènes les plus dures et au contraire s’éclaircit, perd sa texture, lors des passages plus légers donnant une sorte de respiration dans la lecture après des phases « à risque » et de brutalité. L’utilisation de plans rapprochés servent également efficacement l’histoire en évoquant certains éléments importants, tels que ce gros plan sur l’alliance de la jeune mère de famille qui déclenche la préparation d’un hypothétique départ, ou encore les passages à tabac, davantage suggérés qu'exposés, grâce à un cadrage se concentrant sur les poings de l’homme, évitant ainsi les errements d'une mise en scène trop démonstrative.
Inès est un récit graphique poignant parfaitement mené, qui ramène à un triste constat : en France, tous les trois jours, une femme meurt à la suite de violences conjugales.
6.8