Veillée funèbre

A Kiev, la ville aux cent clochers, le jeune étudiant philosophe Thomas Brutus est convoqué dans le bureau du recteur du Séminaire. Ce dernier lui explique qu’un riche seigneur d’Ukraine le réclame impérativement pour veiller sa fille mourante. Une kibitka tirée par des chevaux et suivie d’une bonne escorte l’attendent de pied ferme. C’est donc bien malgré lui que le jeune homme est conduit au chevet de l’agonisante qui décède, hélas, peu avant son arrivée. Alors qu’on lui enjoint de prier trois nuits durant pour l’âme de la défunte, Thomas reconnaît avec horreur la jeune fille. De terribles souvenirs lui reviennent tandis qu’installé dans la chapelle à son chevet, il s’apprête à combattre le Mal.

Veillée funèbre est l’adaptation de Vij, la nouvelle fantastique de Nicolas Gogol publiée en 1835 et traduite en français dans le recueil Nouvelles russes par Nicolas Gogol sous le titre Le Roi des gnomes. Publié dans la collection Terres de légendes de Delcourt, c’est un conte fortement inspiré par le folklore ukrainien où le surnaturel est ancré depuis longtemps dans la culture populaire.

Martine Muller offre à son lectorat un voyage dépaysant dans de lointaines contrées sur les traces de Thomas Brutus. Ce personnage est au centre de l’intrigue et bien que n’ayant que peu le profil d'un héros, tous les regards sont tournés vers lui. En effet, la mission que lui confie le seigneur des lieux est délicate mais primordiale. "Ne permets à personne de me lire les prières, papa, mais envoie au séminaire à Kiev, et fais amener le boursier Thomas Brutus, qu’il prie trois nuits pour mon âme pécheresse, il sait". Bien qu’intéressants, les protagonistes auraient gagné à être plus développés. Hormis les quelques souvenirs évoqués par le jeune Brutus lors de sa rencontre avec la sorcière, peu de choses sont connues de sa vie mais peut-être est-ce dû tout simplement à la brièveté de l’histoire originelle. Il est vrai que tout arrive trop vite et cette impression se confirme par la chute qui n’en reste pas moins marquante.

Le dessin de Jérôme Lereculey sert toujours aussi bien les plus belles légendes à l’instar de la série Arthur, une épopée celtique qui avait séduit le temps de 9 tomes. Dans Veillée funèbre, il réussit à créer une atmosphère lugubre, une attente angoissante pour le pauvre héros dépassé par les évènements et de beaux décors célébrant le folklore slave oriental. Des vastes plaines enneigées aux forêts les plus hostiles, des habitants pétris de vieilles croyances aux créatures infernales, tout est fait pour plonger le lecteur dans les plus grands récits fantastiques d’Europe de l’est. La mise en couleurs de Lorenzo Pieri y contribue d’autant plus.

Veillée funèbre se conclut par un carnet de croquis de huit pages qui montre l’excellent travail de recherche des auteurs en vue de demeurer fidèle à l’esprit de la nouvelle initiale malgré un scénario un peu trop léger.

Moyenne des chroniqueurs
4.3