L'art, conversations imaginaires avec ma mère L'l'art, conversations imaginaires…

A l'instar de Mes hommes de lettres, d'Alpha ...direction ou encore de La petite histoire des colonies françaises, Juanjo Saez nous propose avec L'art, conversations imaginaires avec ma mère une approche séquentielle de la culture. Le sujet traité est donc comme son nom l'indique l'Art, contemporain convient-il de préciser.

Tout au long de l'ouvrage, Juanjo Saez va confronter l'art du début du XXe siècle à nos jours aux cinquante ans de bon sens de sa mère, pilier de la démonstration et ménagère qui ferait les délices des instituts de sondages. C'est là toute sa subtilité. Il ne s'intitule pas "L'art expliqué à ma fille" (ou "L'art pour les nuls"), mais "Conversations avec ma mère", figure éducative. La nuance est de taille, car dans ce dialogue, les rôles vont s’inverser. Il ne s'agit pas d'apprendre mais, au contraire, de désapprendre, de se défaire des idées reçues, de se libérer d'un éventuel sentiment d'infériorité, d'ignorer la condescendance de certains cercles élitistes. La démarche vise à se présenter nu face à l'art, à appréhender chaque œuvre avec une sensibilité propre (dans les deux sens du terme), mais sans pour autant prétendre à une virginité retrouvée ni oublier son libre arbitre. Si n’importe qui peut être artiste, l’art n’est pas pour autant n’importe quoi. Quoi que…

Même s'il s'avère didactique, Juanjo Saez n'oublie pas l'humour au détour d'une anecdote et sait être sévère avec ses contemporains dans ses jugements. Avec des intitulés de chapitres volontiers provocateurs comme « Picasso, c’est laid », « Une chaussette est une chaussette » ou encore avec une assertion comme « Les artistes sont des baratineurs », sans nécessairement le démentir dans le développement, il caresse le néophyte dans le sens du poil. Mais, dans le même temps, il offre des portes d’entrées joviales à une démonstration moins consensuelle, un débat moins simpliste qu’il n’y paraît, avec une mère terre à terre, un peu dépassée par des concepts qu’elle juge assez inutiles, nonobstant son amour maternel et le regard bienveillant qu’elle porte sur le travail de son fils. C'est aussi l'occasion, mine de rien, de tordre le cou à des préjugés populaires tenaces tels que "Un enfant de six ans pourrait faire ça". Au final, tout au long de ces 260 pages, c’est plus d'un siècle d’art et d’artistes contemporains, en majorité ibériques, qui est décortiqué à travers l’analyse des œuvres de Picasso, Miro, Dali, Tapiès, Magritte, Warhol, et bien d’autres encore.

Le style de Juanjo Saez, qui a justement passé ses études d’art à Barcelone à désapprendre et déconstruire son trait pour aboutir à une représentation faussement enfantine, est tout à fait propice à cet exposé, aussi convivial que peu académique, et totalement en accord avec l’intention du livre.

Moyenne des chroniqueurs
8.0