Le fils de l'ogre

D ans un royaume prospère, où la moindre rapine est sévèrement punie, Benoît vit seul avec sa mère, vendeuse de tissu. Les exécutions sont nombreuses sur la place publique et laissent le jeune garçon en admiration devant le bourreau qui officie. Après avoir cherché sans succès à en savoir plus sur cet homme qui le fascine, il découvre sa masure au hasard d’une promenade dans les bois. Plus tard, il décide d’y pénétrer et dérobe un pendentif qu’il cache dans le magasin de sa mère. Celle-ci est accusée du vol et condamnée. Deux jours plus tard, le bourreau exécute la sentence. Désœuvré et ivre de vengeance, Benoît brûle la maison de l’exécuteur et fuit. Il rejoint un groupe de mercenaires qui font son éducation guerrière, sans savoir que ses actes ont déjà précipité la destinée du royaume...

Le fils de l’ogre est un titre trompeur. L’époque moyenâgeuse, une femme élevant seule son fils, la cruauté du jeune garçon et le mystère qui entoure l'homme cagoulé, entraînent dans un premier temps le lecteur sur une fausse piste… Gregory Mardon nous offre bien un conte sombre et cruel mais il n’est pas question de géant dévoreur de chair fraîche et d’enfants. L’ogre, ici, a une portée symbolique. Il représente plus l’absence paternelle ou plutôt la crainte, la peur et le trouble que suscite ce vide. Le schéma de ce père manquant et cette mère adorée semble être un thème important pour l’auteur qui l’avait déjà abordé d’une certaine manière dans Leçon de choses.

Outre le dessin noir et blanc, parfois charbonneux, qui sert pleinement cette tragédie, de nombreux éléments visuels viennent renforcer l'aspect sinistre du récit. À l'exemple des transitions assurées par des enluminures macabres de type médiéval représentant des pendus au gibet ou des squelettes. Ou encore les faciès, dont les yeux et la bouche ne sont que trous noirs lorsque les sentiments atteignent des extrêmes et l’indicible. Le découpage enfin, dont chacun des trois actes s’achève inéluctablement à l'instar de la hache sur le billot, interdisant à Benoît tout retour en arrière.

Par la maîtrise de son récit et de son dessin, Grégory Mardon montre une fois de plus qu’il est un auteur complet et talentueux. Le fils de l’ogre est un conte amer et implacable, dont la conclusion, comme une malédiction, laisse songeur quant à la morale de l’histoire...