O'boys 1. Le Sang du Mississippi
M
ississippi, 1931. Huck Finn et son frère Tom survivent sous les coups d'un père alcoolique et petit trafiquant. Pour échapper à une condition très précaire, le jeune homme est placé chez Mortimer Denis, éleveur de poissons-chats. Il fait alors la connaissance de l'un des ouvriers : Charley Williams. Commence alors une étrange relation entre ce garçon blanc et cet homme noir attaché à une guitare dont il est incapable de sortir de belles mélodies. Leur chemin sera à l'image du fleuve : sinueux et très mouvementé.
Il y a des couvertures qui interpellent, qui invitent au voyage. Celle de ce premier tome de O'Boys en fait partie, avec ses couleurs chaudes de crépuscule. Et il fallait oser présenter les deux personnages principaux de dos, pourtant cela fonctionne parfaitement tant l'envie de les suivre est forte. Le plus important n'est plus de savoir qui ils sont, mais où ils vont.
O'Boys est un récit d'aventure au sens noble du terme, celle qui entraîne le héros loin de son foyer, à la découverte du monde. Peut-on pour autant parler de héros concernant Huck et Charley, deux écorchés de la vie ? Le premier, livré à lui-même, sans repère pour se construire. Le second, un noir dans un État du Sud, subissant au quotidien sa couleur de peau. L'esclavage est certes aboli depuis des années mais la route est encore longue pour parvenir à l'égalité, tant il est difficile de lutter contre des décennies de servitude.
De cette rencontre improbable va naître une profonde amitié, construite lentement, au fil de leurs péripéties, chacun ayant besoin de l'autre pour fuir un quotidien devenu insupportable. Pourtant, tous deux ont en commun une passion : celle de cette musique noire jouée dans les juke-joints, ces endroits à la fois cabarets et saloons. Philippe Thirault (Mille Visages, Lucy) et Steve Cuzor (Black Jack, Quintett) ont imaginé un récit haut en couleurs, d'une grande richesse. Mark Twain avec les Aventures d'Huckleberry Finn et John Steinbeck avec les Raisins de la colère, ne renieraient pas les tribulations de ce duo improbable, parti « brûler le dur » à la manière des vagabonds du rail.
Une telle histoire méritait une mise en images particulière pour restituer fidèlement l'environnement dans lequel évoluent Huck et Charley. Le trait de Cuzor possède cette rugosité qui sied parfaitement à la situation, il décrit avec justesse la vie des homme dans les États du Sud, peu d'années après la grande crise. Les visages sont marqués autant par la dureté de la nature que par les épreuves traversées.
Premier tome de la trilogie, Le Sang du Mississippi est une entrée en matière d'une rare intensité, présageant d'une série de qualité si la suite est du même acabit. O'Boys est également un hommage au Blues, celui qui vient des tripes, mélancolique et rythmé, tout comme cet album mené tambour battant.
7.1