La nef des fous 7. Terminus
L
a clé de l'énigme est proche. Dans les entrailles de la Nef, le Roi Clément s'apprête à faire une découverte primordiale. Le Grand Coordinateur n'a toujours pas retrouvé la mémoire et ne peut croire qu'il a réalisé les actes qu'on lui attribue. Baltimore et son supérieur, quant à eux, sont sur le point de faire de graves révélations à la Reine. En surface, Arthur et Chlorenthe se rapprochent inexorablement de la capsule qui leur permettra de retourner sur la Nef.
Pour ce dernier opus d'une série qu'il aura mis près de dix-sept ans à réaliser, Turf choisit la sobriété, le noir et une figure énigmatique propice au mystère. Le livre s'ouvre théâtralement sur un prologue, contribuant à accentuer l'effervescence chez le lecteur en retardant encore l'instant de vérité.
Le défi consiste ici à clore toutes les histoires en cours sans pour autant sacrifier la fluidité du récit. Les codes de la BD sont encore détournés par l'habile artiste, qui manipule notamment la case et son contour. Ces jeux sont, de façon regrettable, moins développés que dans de précédents volumes, mais leur présence permet tout de même à la série de conserver sa cohérence graphique. Nul doute que l'auteur a voulu par dessus tout mener à bien son intrigue plutôt que de trop privilégier son goût pour les constructions sophistiquées. Cet enjeu au moins est pleinement atteint. Aucun individu n'est oublié et les différents fils déroulés au cours des tomes se rejoignent finalement en une pelote ordonnée avant le mot "fin", sans qu'aucun élément ne vienne perturber l'harmonie générale.
Le récit ne souffre pas de la nécessité d'achever l'aventure en respectant une pagination traditionnelle : il est fluide, sans accroc, conforme à l'habitude. Le seul petit point d'ombre vient de la passivité avec laquelle le roi subit les confessions relatives au secret de la Nef. En grand magicien de la bande dessinée, Turf a heureusement su trouver un angle d'attaque original, rythmé par de petites saynètes burlesques, pour conserver l'attention et l'intérêt du lecteur. Les toutes dernières pages, qui mettent au premier plan des personnages jusqu'alors secondaires, confèrent de façon étonnante une nouvelle dimension à l'œuvre à quelques phrases de l'ultime révérence.
La Nef des fous se clôt comme elle a commencé : en conte fantastique et coloré. Ainsi se termine une des séries phares du neuvième art, aussi astucieusement qu'elle vait commencé. La fin est à la hauteur des attentes, les fans ne seront pas déçus. Sauf peut-être par ce petit mot de trois lettres qui annonce qu'une fois l'album refermé les habitants de la Nef poursuivront leur chemin loin de leurs regards.
7.7