La nostalgie de Dieu 1. Livre 1
« La vie n'est qu'une abomination ». C'est avec cette phrase qu'un homme fait une entrée théâtrale. En haut d'une falaise, il est sur le point de mettre fin à ses jours. Ce qu'il n'a pas prévu, c'est que son discours d'adieu au monde (cruel, forcément) va ennuyer quelqu'un : Dieu. La première surprise passée, l'individu voit dans cette rencontre l'opportunité de poser toutes les questions qui le tracassent, sur des sujets religieux, mais également sociaux.
C'est sous l'angle humoristique que Marc Dubuisson, plus connu de la blogosphère sous le pseudonyme de Unpied, a choisi de dépeindre cette rencontre inattendue. Le livre reprend des planches publiées sur son blog ainsi qu'une vingtaine d'histoires inédites. Chaque page peut se lire relativement indépendamment des autres, c'est le propre d'une adaptation papier d'un support numérique.
La première page marque le ton : Dieu n'est pas la Grandeur espérée mais plutôt un Homme comme les autres. Il ne se fait aucune illusion sur l'Humanité et son avenir, sa vision globale des choses est très pessimiste. Face à lui, le modeste mortel cherche à comprendre comment le Tout Puissant peut laisser le monde aller dans la direction qu'il prend aujourd'hui, ainsi qu'à appréhender les fondements de la religion (chrétienne ou non). De nombreux sujets sont évoqués, comme l'avortement, l'homosexualité, la surpopulation ou le rôle de la divinité. Si les thèmes sont brûlants, l'angle d'approche permet de les rendre plus légers, de prendre une certaine distance. Des interludes totalement loufoques et hilarants faisant intervenir d'autres personnages de l'Histoire (Jésus, Jeanne d'Arc) contribuent grandement à l'atmosphère cocasse. L'absurde est aussi de la partie lorsqu'il s'agit de savoir si Dieu croit en lui-même. Et l'approche humoristique n'exclut pas une réflexion personnelle plus poussée.
Le graphisme est réduit à l'essentiel : un bonhomme en bâtons pour le porte-parole de l'humanité, une voix off pour Dieu et une surface noire pour le bout de la falaise, sans plus de décor. Le visage du protagoniste ne perd pas en expressivité pour autant : la perplexité, le désespoir, la surprise, sont autant de sentiments très bien identifiables malgré la simplicité du trait. Marc Dubuisson prouve ici qu'il n'est pas forcément nécessaire de faire un dessin très détaillé pour faire passer des émotions.
La BD est construite selon le principe des vases communicants. Au départ l'homme déprimé n'a plus foi en rien et Dieu se sent sûr de lui. Mais le bougre refuse la vision désenchantée du Créateur et le met face à certaines incohérences. Petit à petit, l'un va reprendre confiance en lui tandis que l'autre va se rendre compte que quelque chose ne va pas. Ce qui mènera tout naturellement vers le deuxième opus en prépublication sur le nouveau blog de Marc : Dieu chez son psychiatre.
La Nostalgie de Dieu révèle un autre talent de la blogosphère et propose une œuvre légère mais non dénuée de sens, qui provoque le rire tout en conservant un respect certain pour la religion (pour preuve, le personnage, qui malgré son opposition à certaines visions de Dieu, reste humble, en contrebas du Seigneur). Une petite perle qui devrait ravir un large lectorat.
6.6