Les invisibles (Harambat) Les invisibles

A u XVIIe siècle, dans les Landes. La vie au quotidien s’écoule paisiblement lorsqu’un cavalier approche. Maître Johannique vient annoncer le décès et relater les faits d’armes des deux années passées et les derniers instants du colonel d’Audijos. Trois femmes l’écoutent attentivement : Diane, la mère du défunt, Anne, sa sœur, Jeanne-Marie, son épouse.

Parti combattre dans les Flandres au sein du régiment de Créquy, le capitaine d’Audijos trouve, à son retour au pays, une population en proie à une grande souffrance, née de l’instauration d’un nouvel impôt : celui du sel. Pressé par les notables de venir en aide au peuple et de s’élever contre les exactions commises par les gabeleurs, l’homme hésite, aspirant plutôt à renouer avec le cours d’une vie tranquille. Il finit par s’emparer de la cause et, aidé de ses amis d’enfance, monte une armée de rebelles puisés parmi les paysans et d'anciens malfrats : les Invisibles.

Trois grands chapitres, titrés du nom des trois femmes qui ont partagé la vie et les questionnements de d’Audijos, mais peut-être aussi influencé, à leur façon, la décision de ce dernier, rapportent l’histoire de cette figure gasconne, serviteur du roi avant de s’insurger et d’être recherché par les armées, puis d’être réhabilité. Rapportent, plutôt que racontent, car si elles introduisent quelques éléments nouveaux, ces trois parties reprennent et affinent le contenu de chacune d’entre-elles, rendant, de ce fait, la lecture et la compréhension quelque peu difficiles. Le manque de repères chronologiques, le saut diffus d’une situation à l’autre, le choix de colporter plutôt que de montrer, les duels, répétés mais non motivés de façon précise, opposant d’Audijos au Marquis de Saint-Luc, alimentent la sensation de confusion de l’ensemble et atténuent le plaisir qu’a pu procurer la lecture de la première partie. Cependant, la qualité première d’un Invisible étant d’être aussi insaisissable qu’imprévisible, il est permis de supposer que de nombreuses zones d’ombres entourent la vie de ce chef de rébellion, et que Jean Harambat a volontairement choisi de mettre l’accent sur cette part d’obscurité.

Le trait appuyé du crayon et l’utilisation d’une variation du gris rendent bien l’âpreté de la vie, l’austérité et la ruralité.

Pré-publié dans le journal Sud-Ouest sous forme de feuilleton, Les Invisibles, premier ouvrage en bande dessinée de Jean Harambat, éveillera l’intérêt des amoureux de récits historiques. Les habitants de l’ancien pays de Gascogne, eux, pourront reconnaitre des noms de villages et des patronymes qui leur sont familiers, mais aussi découvrir un témoignage sur un passé qui leur était peut-être, à ce jour, inconnu. Pour les autres, l’aspect répétitif du découpage, la sensation de confusion et le manque de précisions qui émanent de l’ensemble risquent de peser sur le plaisir de lecture.

Moyenne des chroniqueurs
5.0