Big Foot 3. Créatures

L es filles Hawkline sont parties sans crier gare. Accusées des crimes du Big Foot, leur tête mise à prix, elles sont recherchées par les chasseurs de prime. Quelque part dans la montagne, une vieille squaw fait suivre à Ned un parcours initiatique qui le relie aux origines de sa mère et à la culture Sioux. Resté à la ville, Zeb est en proie à la mélancolie. Son compère et Holly Doll lui manquent. Mis en prison après avoir dégommé un groupe de cows boys, il réussit à convaincre le shérif de le libérer et de faire équipe avec lui pour essayer de retrouver les jumelles avant leurs autres poursuivants.

Le récit s’accélère et est mené tambour battant. Après les révélations du tome précédent sur les causes de l’incapacité de Ned à tirer ainsi que sur son métissage, le voile est levé sur l’évènement qui a conduit Zeb à compter sans arrêt et sur le Big Foot. Parallèlement, ou plus exactement en même temps, car les séquences se succèdent tout en étant enchevêtrées, l’histoire suit son cours. La construction est maîtrisée et aboutie. Le graphisme, expressif, précis et détaillé, met aussi bien en valeur l’humour déjanté qu’il fait passer les émotions, et ce jusque dans le non-dit. Les couleurs collent parfaitement à l’ambiance rétro et rehaussent le décalé.

Si, comme dans Magic Child et dans Holly Dolly les codes du western classique (shérif autoritaire, respecté, juste et droit) et spaghetti (psychologie chargée des divers protagonistes, facilité à dégainer et à tuer, femmes émancipées…) sont bien présents, Créatures apporte une autre dimension et repousse les limites du genre. Car l’album révèle toute la finesse d’un scénario magistral qui, loin de se limiter à raconter une aventure de Far West, renvoie à une approche philosophique des relations nocives qu’entretiennent les hommes – blancs – avec la nature, au racisme, aux traumatismes de l’enfance, à la psychanalyse, aux perturbations qui accompagnent la naissance du sentiment amoureux.

La lecture de la série achevée Big Foot ne peut pas être assimilé à une simple adaptation de l’ouvrage de Richard Bautrigan. Il va bien au-delà. Il le revisite, il est beaucoup plus riche et nettement plus complexe. Si la base, le ton, quelques dialogues et autres éléments de décor rappellent le Monstre des Hawkline, ce dernier a manifestement agi comme source d’inspiration, comme un détonateur, sur l’imagination fertile d’un Nicolas Dumontheuil au sommet de son talent.

Une œuvre majeure dans le registre de l’auteur.



Lire la chronique du tome 1 : Magic Child

Lire la chronique du tome 2 : Holly Dolly

Moyenne des chroniqueurs
8.0