Love Song 3. Boulette
I
ls sont quatre, comme les Beatles qu'ils vénèrent. Depuis leur adolescence, ils vivent par et pour le Rock, sujet souvent enflammé de leurs nombreuses discussions. Après la disparition d'Eleonore, décédée lors d'une opération de chirurgie esthétique destinée à reconquérir le cœur volage de Sam, chacun tente de se reconstruire. Après avoir sombré dans la drogue, le jeune homme a repris la gérance d'un magasin de vinyls. Mais dans l'ombre, un autre souffre de cette absence, Boulette qui a aussi aimé la jeune femme, ne se remet pas du tragique accident.
Boulette est le troisième volet de cette histoire à quatre voix imaginée par Christopher. Véritable spectateur du genre humain, l'auteur aime à décrire, voir décortiquer, les liens qui s'établissent entre les êtres. Love Song est l'histoire, assez banale, d'une bande de copains et leur constat sur l'existence, la quarantaine approchant, chacun tentant d'exorciser ses propres démons. Manu s'est marié, non sans s'être posé bon nombre de questions sur cet engagement. Sam, a perdu celle qu'il croyait aimer, lui le spécialiste de l'adultère. Construit sur le même schéma narratif que les précédents, celui-ci se déroule par séquences reprenant des titres du groupe anglais des sixties les Kinks. La couverture est d'ailleurs un hommage en référence à leur album The Village Green Preservation Society.
Ce tome est consacré à Boulette le thanatopracteur. Derrière la bonhomie de ce personnage, se cache un être qui a souffert. Il a trompé sa femme avec Eleonore et n'a pu partager avec ses meilleurs amis, les moments de bonheur passés avec elle. Il devait subir les pincements de son cœur lorsqu'il la voyait embrasser Sam. Il doit maintenant affronter les conséquences de son acte et le fait que Renée le rejette. Commence alors pour lui une période douloureuse où le temps n'arrive pas à effacer, ou du moins atténuer, le souvenir qu'il a d'elle, car il n'arrive pas à l'oublier. Chaque séquence s'attarde, alternativement, sur les bons moments de leur relation et sa vie après le drame.
Loin de la légereté de ton que l'on a pu lui connaître avec Les Colocataires ou Pyjama Party notamment, Christopher a écrit là une série d'une grande profondeur avec pour cet album une dominante mélancolique. Le personnage de Boulette se révèle attachant dans les épreuves qu'il traverse. Cette dureté du propos contraste avec la simplicité de son trait où son style épuré accompagné d'un encrage fort, laisse présager une histoire dans laquelle l'humour serait présent. Cette différence flagrante entre le fond et la forme renforce cette dimension réaliste souhaitée par l'auteur dans laquelle il n'hésite pas à mettre ses personnages à nus, confrontés à leur propre destin, leurs propres démons. La vie n'est pas aussi rock'n roll qu'ils l'avaient imaginée. La mise en couleur, précédemment effectuée par Delf (Les Colocataires, Les Corsaires d'Alcibiade ...) est, ici, réalisée par Scarlett (Mille Visages, Green Manor ...) qui a su trouver les bonnes tonalités pour continuer dans le même style car elles aident à bien identifier les flash-backs ainsi que les états d'âme de Boulette.
Love Song est une série surprenante car elle démarrait sur un ton assez léger dans la même veine des autres séries de Christopher pour finir par s'affranchir rapidement de cet héritage en proposant un récit très fort. Boulette est le personnage le plus discret de ce quatuor, mais sans doute le plus attachant. Vivement la suite afin de connaître le point de vue de Greg et surtout le fin mot de l'histoire.
6.7