Je vous salue Jennifer 1. Tome 1

I nspirée par les propos que tient son professeur sur le déplacement de la ferveur autrefois dévolue aux icônes religieuses vers les idoles en tout genre de la société moderne, Jennifer Mercier, âgée d’à peine seize ans, lance une boutade à sa voisine de classe. Priée par l’enseignant de s’exprimer à haute voix, elle est prise de malaise. Le diagnostic posé par l’infirmière de l’établissement tombe comme un couperet : Jennifer est enceinte. L’affaire se complique lorsque la jeune fille affirme être encore vierge et que des examens approfondis confirment ses dires.

L’idée de base est originale et offre plusieurs pistes d'exploitation que la scénariste ne manque pas de saisir. Un fil conducteur tout d’abord : celui de la recherche, par Jennifer, de solutions visant à la débarrasser d’un problème qui la dépasse et qui perturbe son existence sur de nombreux plans. L’enjeu, ensuite, que représente le phénomène, en tant qu’objet d’étude, aux yeux de scientifiques prêts à établir un parallèle humain à l’autofécondation des escargots et à opposer une explication rationnelle au dogme de l’Immaculée conception. Les dangers, enfin, que ne manquerait pas de courir la jeune fille si des journalistes et des fanatiques religieux venaient à s’emparer de l’information. Et, comme s’il n’y suffisait pas, viennent se mêler à l’histoire un secret qui semble lier le gynécologue aux parents de Jennifer, ainsi qu’une assistante sociale pugnace.

Nouvelle venue dans le monde du neuvième art, Barbara Abel n’en est pas pour autant novice en matière d’écriture. Auteure de romans publiés aux éditions du Masque et des Champs Elysées – dont L’instinct maternel, primé au festival de Cognac en 2002 –, elle montre une réelle habileté à croiser les intrigues tout en nourrissant le suspens.
Quant à Gérard Goffaux, il est déjà connu des registres de la bande dessinée. Son graphisme réaliste et l’utilisation quasi permanente de plans rapprochés contribuent à rendre l'histoire plausible. Cependant, le manque d’expressivité des visages et l’aspect figé des corps placent plus souvent le liseur en mode lecture de scénario qu’il ne l’invite à s’immerger totalement dans les cases. Il émane, de ce fait, une certaine frustation liée à l'impression d'une sous-utilisation des possibilités, pourtant larges, qu’offre le médium.

Original par son objet, dynamique dans son traitement, ce premier opus d’une série prévue en trois tomes pose les jalons d’un thriller à rebondissements dont il est déjà permis d’imaginer que l’épilogue s’éloignera de tous les dénouements qu’il est possible d’envisager à ce stade de lecture. A lire et à suivre !

Moyenne des chroniqueurs
6.0