La femme accident 1. Première partie
U
ne adolescente s’ennuie dans la pauvre banlieue de Charleroi. Privée de père, délaissée par sa mère, elle trouve refuge auprès des bandes de garçons et finit par s’éprendre de l’un d’entre eux. La passion cède vite la place à l’habitude mais elle tombe enceinte et se voit contrainte d’avorter alors que son désir de maternité apportait un peu de lumière à une vie sans relief. Un « petit accident » de plus sur un parcours bien sinueux, annonciateur d’un funeste destin auquel, malgré tous ses efforts, elle ne semble pouvoir échapper.
Le titre insolite (en référence à un vieux tube d’OMD ?) a le mérite de ne pas mentir sur le contenu : c’est d’une jeune femme à la trajectoire singulièrement accidentée dont il est ici question. Lapière est coutumier des histoires intimistes dans ce registre, en particulier dans la collection Aire Libre, mais on attendait moins le Grenson de Niklos Koda. Explorant pour l’occasion la technique de la couleur directe, il signe d’ailleurs une partition inspirée qui n’est pas loin d’être le principal atout de ce diptyque.
L’histoire est classique, presque prévisible tant la jeune femme semble ne devoir échapper à aucun des drames qui peuvent affecter une existence. L’originalité provient plutôt de la narration en flash-back qui entretient le flou sur les motivations plus que sur les événements, et donc, de l’excellent dessin de Grenson qui met en évidence l’autre héros de l’histoire : cette pauvre cité minière dans laquelle le malheur semble inévitable. Paradoxalement, dans ce décor industriel désuet et sinistre, c’est avant tout la lumière qui émane de ces planches qui étonne, et qui finalement confère une ambiance moins pesante que ce qu’on pouvait craindre. Le fait que le dessinateur ait passé sa jeunesse dans ce secteur n’est pas sans doute pas étranger à cette impression : il faut avoir fait les quatre cents coups sur un terril pour pouvoir en restituer une vision autrement plus gaie que l’image réductrice d’un simple amas de schistes grisâtres.
Une histoire simple et forte, des personnages attachants, un dessin soigné : cet album trouve sa place sans problème dans l’excellente collection Aire Libre et devrait donc combler les amateurs de romans graphiques.
7.2