Assis debout

I l a 21 ans, une propension à zapper dans tous les domaines, exception faite lorsqu'il s'agit d'alcool et de pétards. Un passage obligé dans l’armée pour cause de service militaire, la rue, la manche, l’usine, les petits boulots… rien n’y fait, il ne se plaît pas dans ce monde. Puis, un jour, viennent les prémices d’une insertion sociale auprès de bûcherons, d'un apaisement, et une révélation : la rencontre avec lui-même par le biais de l'aimée.

Cette histoire pourrait se lire comme celle de l’avancée d’un être en rupture qui privilégie la fuite, qui ne voit et ne retient dans ce qu’il vit que des travers qui le rebutent. Puis il s’ouvre aux autres, à la vie, mais pas de façon engagée. Le traitement retenu par les auteurs, livrant ici leur premier ouvrage en bande dessinée, la rendent beaucoup plus complexe, voire déroutante.

Récit en partie autobiographique comme le laisse supposer les dernières pages de l’album ? Simple témoignage ? Attaque en règle d’une société qui marginalise, déshumanise et se détourne de ceux – les livrant à eux-mêmes - qui trébuchent ou ne parviennent pas à mettre un pied devant l'autre pour suivre une route, quelle qu'elle soit ? Engagement politique, message d’espoir ? Difficile de vraiment s’y retrouver. La construction manque de clarté, les mots et les concepts semblent parfois jetés sur le papier, comme pour transcrire une pensée instantanée du personnage principal, préciser un mode de fonctionnement intellectuel. L’assemblage laisse parfois l’impression d’un désordre chronologique, d’une juxtaposition de séquences.

Les choix graphiques, déclinés dans trois styles, contribuent à cette perception brouillée. Les deux premiers - gris, « embué » et hachuré pour la période alcoolique, très détaillé et contrasté quand le regard et les pensées se font acérés - sont cohérents avec le contenu du scénario. L’aspect convenu, propre, carré et lisse des cases illustrant les ébats amoureux s’inscrit en revanche quelque peu en contradiction avec les discours imprécis, révoltés et parfois violents qui précèdent. Il est en effet peu aisé d’imaginer, voire même de souhaiter, qu’une évolution et une insertion réussies, qui plus est après un tel parcours, puissent signifier une assimilation des convenances et l’acceptation à se fondre dans un moule.

Narré exclusivement en mode voix-off, ce premier roman graphique de Vincent de Raeve et de Stephan Plottès laisse perplexe, les seuls talents graphiques ne suffisant pas à lever une impression de grande confusion.

Moyenne des chroniqueurs
4.7