Jéronimus 1. Première partie

J anvier 1628. Jeronimus Cornelisz, apothicaire d’Haarlem, traverse une période sombre. Son fils unique est atteint de syphilis et il soupçonne la nourrice d’être à l’origine de la transmission de la maladie. Le peintre Torrentius a été arrêté, au motif d’hérésie, et est soumis à la torture. Son emprisonnement fait peser un gros risque sur le cercle de ses adeptes et amis. Après le décès de l’enfant, les clients désertent la boutique, rajoutant une difficulté financière à ses doutes et tourments. Huit mois plus tard, Jéronimus tourne la page et part seul pour Amsterdam. Le 29 octobre 1628, il embarque sur le Batavia, l’un des fleurons de la VOC, Compagnie hollandaise des Indes Orientales, en qualité d’assistant du commandeur. Une nouvelle vie commence.

Dans Abdallahi et La ligne de fuite, les personnages d’Arafanba et d’Adrien étaient fictifs. Ici, tous les protagonistes de Jéronimus ont réellement existé. Les faits retranscrits (incarcération de Torrentius, coup de tabac, escale, incident provoqué par Arien Jacobsz sur un des navires de l’escorte…) se sont déroulés tels que contés. La seule liberté que semble s’être octroyée Christophe Dabitch concerne les hypothèses émises sur la façon dont se sont tissés les liens, construites les circonstances et élaborées les manigances qui conduiront à la future tragédie. Sans oublier, bien sûr, la teneur des conversations et des pensées intimes.

La partie introductive de l’album situe le contexte dans lequel s’effectue le départ du « retourship ». Elle présente les circonstances qui ont amené celui qui deviendra l’instigateur du drame à tout quitter, évoque les influences et les antagonismes spirituels de l’époque, précise l’attrait d’Amsterdam, ville bourgeoise, prospère et tolérante, de même que celui de la VOC. Sa lecture est un peu fastidieuse du fait de la multiplication des voix off par lesquelles sont transmises les nombreuses informations.

Tout s’anime et devient fluide lorsque le récit s’installe sur le bateau. Conditions de vie à bord, nature des relations entre les responsables, l’équipage et les passagers, portrait psychologique des différents acteurs, évènements... l'ensemble est tissé au fil des voix off, dialogues et autres planches muettes, parfois décalées par rapport au texte, qui alternent et se complètent. La narration gagne progressivement en rythme et en puissance.

Le matériau qu’utilise Jean-Denis Pendanx lui permet, une fois encore, de montrer l’étendue de son talent : les illustrations, de toute beauté, sont autant de tableaux à contempler. Aussi à l’aise pour restituer les ambiances sombres que lumineuses, les paysages, les expressions des visages ou l’extériorisation des sentiments, il magnifie le récit. Il est plaisant de l’imaginer ajouter les couches supplémentaires de gouache et donner les petits coups de pinceaux facilement repérables dans les parties mouchetées.

Premier tome d’une série de trois, Un homme neuf pose les bases d’un drame historique donné à voir pour la première fois. L’association Dabitch/Pendanx fonctionne de nouveau à la perfection et laisse présager que, une fois le travail achevé, la qualité de l’ensemble fera merveille. Les faits sont connus, l’histoire déjà écrite, et pourtant, sitôt l’ouvrage refermé, l’envie de découvrir la suite se fait pressante...

Moyenne des chroniqueurs
7.0