Adamson (Puerta) 1. Opération Spitsberg

U n paysage urbain. Derrière sa fenêtre, un homme au regard triste le contemple, sur fond de musique, un verre dans une main, un révolver dans l’autre. Il colle le petit calibre sur sa tempe, l’arme, puis s’interrompt. Sir Adamson, ancienne gloire de la Marine, reclus depuis des mois, était prêt à commettre l’irréparable lorsque deux émissaires de l’Amirauté viennent le convier à participer à une réunion secrète se déroulant le lendemain, en présence du Premier Ministre. Lors de cette entrevue il est mis au fait de la récente découverte, par des pêcheurs de morue, d’une « porte » susceptible d’ouvrir sur une « autre dimension », phénomène exceptionnel qu’il lui est proposé d’aller explorer. De retour chez lui, il découvre son majordome sans vie. Une bête étrange, aux apparences d’insecte géant, se trouve près du corps.

Evocation des enjeux, interrogations et inquiétudes que suscite la porte dans une période troublée par l'imminence de la première Guerre Mondiale, présentation et sélection des membres de l’équipe qui partira en expédition, mise en place de la logistique, tests préalables, constituent le corps de ce premier tome, riche en contenus, et qui se développe selon une logique implacable. Le lecteur, séduit puis accroché, se laisse aspirer par l'histoire au point de pouvoir s'en croire acteur et ressentir pleinement la montée progressive de l'ambiance, jusqu'à l'oppression.

C’est tout à l’honneur des auteurs : Pierre Veys tout d’abord, le scénariste, plus habitué aux productions relevant du registre de l’humour, Igor et les monstres, et de la parodie, Philip et Francis, qui livre ici un scénario parfaitement construit, clair, précis et concis. Pas un mot de trop, pas de dialogue inutile. L’univers est bien posé, les informations sont savamment distillées, le récit avance et la lecture reste fluide.

Carlos Puerta ensuite, l’illustrateur, associé à Lorenzo Diaz dans ses précédentes parutions franco-belges - El perdicion, La maison de Pollack Street, No man’s land, dont le trait réaliste convient parfaitement à l’époque à laquelle se déroule le récit, aussi à l’aise pour peindre un paysage verdoyant et escarpé d’Ecosse que l’antre d’une base navale ou d’un navire, un intérieur de maison ou une scène maritime, que pour restituer les impressions de mouvement. Sa maîtrise de l’utilisation de la lumière, notamment dans l’éclairage des visages fait merveille. Le rendu des expressions, le naturel des poses et de certaines situations sont d’une telle qualité qu’il paraîtrait presque normal de voir les personnages s’animer et leurs discussions devenir audibles.

Une harmonie de ton entre les auteurs qui débouche sur un premier opus très réussi et très prometteur, ancré dans le genre science-fiction, superbement mené et illustré, mais qui laisse toutefois percer une petite inquiétude quant à son orientation future : comment la part supposée de fantastique, introduite par l’apparition de l’insecte agressif, sera-t-elle négociée, développée ou articulée dans le ou les tomes suivants ?

Moyenne des chroniqueurs
7.7