La vie des gosses

L ’enfance est un sujet déjà maintes fois exploité en BD mais qui inspire encore et toujours les auteurs de tous horizons. C’est le cas de La vie des gosses. Ce manwha (BD coréenne) présente cinq histoires qui mettent en scène la vie et les bêtises d’une bande de gamins de Corée du sud dans les années 80.

D’un récit à l’autre, l’atmosphère est différente selon l’orientation donnée par l’auteur, Kim Hong-mo. Le contexte est parfois fortement ancré dans la réalité du pays. Ainsi, les aventures des garnements ont pour toile de fond les relations politiques tendues entre la Corée du nord et la Corée du sud. Cela rappelle d’ailleurs que ce conflit larvé est toujours d’actualité puisque, si la guerre froide est terminée, le nord est toujours une dictature repliée sur elle-même. Dans cette BD, la menace que le nord fait peser sur le sud, sans être omniprésente, est évoquée, d’autant plus que l’histoire se déroule près du 38ème parallèle, frontière séparant les deux états. Cela a des répercussions sur la vie de tous les jours. Outre la propagande, d’autres thèmes sont également abordés, tels la pauvreté et la pollution.

L’ensemble de ces éléments pourrait laisser croire que le manwhaga a voulu livrer la chronique engagée d’une époque donnée. Ce n’est pas son but principal puisque tout cela est vu par le biais du narrateur, Kok-ji. Le fait que ce soit un garçon d’une dizaine d’année atténue, sans l’effacer, le côté dramatique du background. Cela apporte un point de vue différent, certes partial et incomplet, mais aussi « détourné » et frais, car l’enfant vit la situation selon les critères, les connaissances et les préoccupations de son âge. Ce titre est ancré dans le pays du matin calme avec des références propres à celui-ci, telle la fête agricole de Chuseok, ce qui peut dépayser le lecteur occidental lambda. Mais la thématique des souvenirs d’enfance, qui ici n’a pas vraiment de ligne directrice, est paradoxalement intimiste et universelle. Elle trouve facilement un écho chez le lecteur qui se souvient de sa propre jeunesse, de vacances à la campagne, de ses sottises et rêves de l’époque. Les péripéties de Kok-ji et ses amis renvoient chacun à son passé, dans une version un peu idéalisée avec une vie simple et insouciante, le tout accentué, encore et toujours, par la vision enfantine.

Ce balancement entre réalisme et nostalgie se retrouve également dans le dessin. Les stéréotypes de la BD asiatiques sont bien loin. L’auteur alterne passages en noir et blanc, couleurs, et mélange des deux. Certains décors sont comme des aquarelles, donnant une tonalité un peu poétique, renforcée dans certaines scènes par la quasi-absence de texte. C’est notamment le cas dans l’épilogue dont la simplicité et la sobriété ne laissent pas indifférent. Il y a également une recherche au niveau de la mise en page puisque renvoyant une fois de plus au monde de l’enfance avec ses bons points, commentaires et autres dessins prétendument faits par le héros.

Ce one-shot, sous des dehors un peu naïfs, invite au voyage. Voyage en Corée du sud et voyage en enfance. Sans être une leçon d’histoire, cela nous remémore une situation particulière que l’auteur a bien su décrire, sans en faire trop. L’équilibre est réussi. Les souvenirs d’enfance constituent bien la trame principale du livre. L’aspect nostalgique et simple ménage une ambiance touchante.

Moyenne des chroniqueurs
6.0