Aïda (Vinci) À la croisée des chemins

U n trou de mémoire chez une personne âgée, fût-elle un fantôme, n’a rien de très préoccupant. Quand le problème se pose pour un jeune homme décédé il y a longtemps, qui ne se rappelle plus être passé de vie à trépas, c’est un peu plus gênant. Aïda, une jeune étudiante, vient s’installer à Trieste dans la maison de ses ancêtres, morts il y a quelques années, et se retrouve à partager leur quotidien. Un soir, au hasard d'une promenade sur le quai, elle rencontre le jeune défunt égaré. Elle s'en rapproche et l'aide à remonter le cours du temps.

L’intrigue se base sur la rencontre entre une ville et une auteure, à laquelle se mêle un renvoi vers les deux guerres mondiales. La ville, semblant hermétique au temps qui passe, c'est Trieste, où se côtoient des bâtiments très anciens, témoins de vies écoulées et de pages d’Histoire, d'autres très récents, symboles d’évolution. Les habitants s’y attachent à constituer et à conserver des documents qui portent sur les diverses transformations et serviront d’archives pour les prochaines générations. L'auteure, c'est Vanna Vinci, dont la famille garde consciencieusement tout ce qui peut relier chacun de ses membres à son passé. Cette rencontre, elle est la somme de différentes perceptions, un mélange de mémoire et d’avenir.

Las, le lecteur ne percevra que sur le tard la finesse de cette articulation, le parallèle entre l’architecture, les archives familiales et les deux pôles de la ville, c'est-à-dire après avoir pris connaissance des commentaires placés en fin d’album. Avant cela, il assiste à une intrigue teintée d’originalité mais dont le rythme est monotone, lancinant, et peu captivant.

Ceux qui connaissent Trieste prendront certainement plaisir à chercher et reconnaître, ici et là, une reproduction graphique d’un quartier ou d’un bâtiment. Les autres risquent de se lasser de la profusion des phylactères, de ne pas se contenter d'un dénouement ô combien prévisible, ni de l’aspect, au-delà de quelques planches inventives et plaisantes, un peu figé du dessin. Sans doute ne trouveront-ils pas l'élan nécessaire à la lecture du complément, se privant ainsi d’accéder au principal intérêt de l'album.

Lillian Browne n'avait pas convaincu et on peut s'interroger sur la capacité d'Aïda à élargir les rangs des amateurs de l'auteure italienne.

Moyenne des chroniqueurs
4.7