L'ultime chimère 1. Le patient 1167

D es manifestations extraterrestres 2.600 ans avant J.-C. L’inauguration du premier siège social en orbite géostationnaire, au XXIIe siècle. Une fondation chargée de traquer partout sur Terre les phénomènes inexpliqués. Une découverte archéologique qui démontrerait que les hommes ont connu les dinosaures. Une jeune femme médecin, plus curieuse que ses collègues blasés, qui découvre un cas extraordinaire dans un asile psychiatrique. Et si tout était lié ?

L.F. Bollée nous a déjà fait le coup avec Apocalypse Mania : un premier tome excitant, qui multiplie les énigmes et les événements troublants, et distille juste ce qu’il faut d’informations pour attiser la curiosité. Une autre similitude pour enfoncer le clou : à la place de « l’homme le plus intelligent du monde », « l’homme le plus riche du monde ». Self made-man atypique, écolo, insaisissable et excentrique comme il se doit. A l’opposé, une jeune femme séduisante, astucieuse et opiniâtre. Entre les deux, hormis le lot habituel de personnages secondaires insignifiants, un homme sans âge, ténébreux, interné et ignoré par les médecins, incarne le mystère.

Les schémas sont connus, prévisibles parfois, mais efficaces. Plus que le concept intéressant mais encore assez peu dévoilé, c’est la construction narrative de Bollée qui fait mouche. Le rythme est remarquablement maîtrisé et le découpage est un modèle du genre. Blockbuster en puissance, L’ultime chimère se positionne en pur divertissement qui bénéficie des grands moyens : grand format, plan marketing aux petits oignons, dessinateur prestigieux associé à une équipe suffisamment robuste pour assurer le rythme de parution soutenu désormais incontournable.

La partie graphique, cependant, est un ton en dessous de cette ambitieuse construction scénaristique. L’histoire s’étale sur plusieurs siècles et chaque époque est confiée à un dessinateur, comme c’est devenu la règle depuis Le Triangle Secret et Le Décalogue dont Bollée avoue s’être inspiré. Griffo a hérité de la partie futuriste, largement majoritaire dans ce premier tome, et, s’il ne verse pas dans l’excès façon Vlad, on l’a connu plus inspiré. Il rend ici une copie assez neutre, à la mise en page sobre, aux visages peu expressifs dans un univers qui, il est vrai, laisse peu de place à la fantaisie. Héloret se charge de la partie la plus ancienne, avec la lourde charge d’ouvrir le bal : trois planches pour convaincre le lecteur d’aller plus loin, ce qu’il réussit grâce à des scènes assez visuelles, très lumineuses. On le retrouvera ensuite autour du concept central de la flêche de Nemrod, pivot annoncé de la saga.

Ce premier tome lance donc la série sur des bases intéressantes. Espérons que le parallèle avec Apocalypse Mania s’arrête à ce bon début, l’autre série de Bollée (septième tome à paraître) s’étant un peu égarée en chemin. Plus récemment, chez Glénat également et sur une thèmatique proche, c'est Voyageur qui avait commencé très fort avant de décevoir dès le second volet. Mais ne boudons pas notre plaisir, les bonnes séries mainstream se raréfient ces derniers temps et celle-ci postule aux premiers rôles. Confirmation attendue dans six mois, avec au programme une île mystérieuse illustrée par Goepfert.