Barcelona 1. Cyan
R
ien ne prédisposait Barcelone à accueillir Cyan en ses murs. Bruyante, stressante et visiblement occupée à toute autre chose qu'à souhaiter la bienvenue à ses nouveaux arrivants, la métropole ibérique aurait tôt fait de décourager la première provinçiale venue. Qu'importe, Cyan n'est pas de celles-là ! Passionnée par la photo, son book sous le bras, la voici bien décidée à se faire accepter par la grande ville et, qui sait, à accomplir son rêve ?
Barcelona déçoit autant qu'il réjouit. Une couverture attirante, une mise en couleur nuançable, un trait souple et dynamique, une mise en scène parfois maladroite, une ambiance et des personnages attachants, des décors sans profondeurs, ... Chacune des qualités de l'album semble invariablement contrebalancée par une lacune. L'inverse est aussi vrai.
Ainsi, l'encrage franc et épais des premières pages laisse place à un contour plus hésitant, soulignant moins efficacement la vigueur du trait par la suite. Dommage... On regrette également l'inconsistance des décors. Une ville chaleureuse et vivante comme Barcelone méritait un meilleur traitement. L'impression générale est heureusement sauvée par les trouvailles graphiques qui émaillent l'album (le plan de l'appartement, le résumé des journées de Cyan, décors en noir et blanc et personnages en couleurs...).
Graphiquement, Kenny s'en sort très bien malgré une certaine irrégularité dans les visages. Il semble plus à l'aise à dessiner des personnages plus expressifs et légèrement caricaturaux. Aussi s'approprie-t-il avec intelligence les codes propres au manga tout en conservant la souplesse et la force de l'école espagnole, dans un style assez proche de Humberto Ramos (Dv8, Crimson et récemment Spectacular Spiderman) par exemple.
Une bonne surprise également: la candeur du style narratif n'empêche pas le réalisme brutal de certaines situations (les difficultés à trouver un emploi, la condition gitane en sont quelques exemples). Ces scènes accordent à l'album une lecture plus intéressante qu'un trop rapide coup d'oeil pouvait laisser supposer.
Au final, Barcelona parvient tout de même à se hisser au-dessus de la moyenne grâce notamment au naturel et au dynamisme de Cyan, son héroïne. Aussi, malgré ses défauts, l'album laisse une impression persistante de fraîcheur, agréablement prolongée par un cahier d'esquisses.
6.0