Croisade - Nomade 1. Simoun Dja

U ne BD qui commence par une leçon d’histoire, voilà qui n’est pas courant et qui rassurera peut-être un certain public toujours sceptique quant aux vertus littéraires et pédagogiques du neuvième art. Deux pages pour se remémorer la chronologie des différentes croisades tout en positionnant astucieusement les références cinématographiques connues, ce qui n’est pas du luxe car avouons-le, nous n’étions pas vraiment au point pour l’interro surprise. Le contexte étant ainsi posé, le malicieux Dufaux se dépêche de faire voler en éclats cette connaissance toute fraîche en y intégrant une neuvième croisade imaginaire, censée être la troisième, qui mettra aux prises les trois grandes religions monothéistes. L’enjeu ? Délivrer le tombeau du Christ ou plutôt du « très vénéré X3 ». Il paraît qu'il faut dire : « X fois 3 »... l’occasion de souligner lourdement le concept de la Trinité qui, n’en doutons pas, aura un rôle décisif dans cette histoire.

Ceux qui connaissent le scénariste ne sourcilleront même plus devant ce genre de fantaisie. Pas plus qu’ils ne seront étonnés par un scénario qui fait la part belle aux phénomènes surnaturels, introduisant une dose de mysticisme oriental qui évoque l’ambiance de Djinn . Une approche plutôt original car le thème des Croisades est en général propice aux combats homériques ou aux complots théologiques, ou encore à la mise en valeur d’un héros particulièrement brave. Sans forcément s’écarter de ces figures imposées, Dufaux s’attache plus particulièrement aux personnages, notamment à leurs états d’âme, et aux jeux politiques au sein même de chaque camp. Pourtant, si l’approche est intéressante, elle n'est peut-être pas la plus appropriée car l’ensemble s’avère parfois un peu convenu, les comportements assez prévisibles. Les passages oniriques, qui sont de plus en plus la marque de fabrique du prolifique scénariste, seront diversement appréciés mais ils n’apportent pour l’instant pas grand chose à l’histoire.

Le point fort de cet album se situerait plutôt du côté du graphisme, avec un Xavier qui peut donner libre cours à son goût pour les scènes spectaculaires, déjà entraperçu dans sa reprise de Paradis perdu . Le point d’orgue est la fameuse double page dépliable qui permet d’apprécier en cinémascope façon Cécil B. DeMille l’affrontement des combattants, magnifique mais qui tient plus du gadget que du véritable intérêt narratif. Les couleurs flamboyantes de Chagnaud ont aussi une part significative dans un résultat vraiment séduisant mais paradoxalement assez creux, et qui laisse donc une impression mitigée.

Trop de fausses pistes, trop de fantastique, trop de grand spectacle, trop beau peut-être, ce premier tome d’une série de trois (forcément !) donne beaucoup mais peine à accrocher le lecteur. Un écueil qu’un auteur aussi expérimenté que Dufaux ne devrait pas avoir trop de mal à corriger…