Sillage 10. Retour de flammes

I mpliquée malgré elle dans un terrible attentat, piégée par son impulsivité, Nävis ne s’en tient pas pour autant à carreau. Consternée par la découverte du sort réservé à certains condamnés (dont le psychisme est utilisé comme propulsion des vaisseaux), elle libère Heilig, son ancien ennemi, et décide de le ramener sur sa planète. Mais tout n’est pas simple, comme toujours.

Une fois n’est pas coutume, ce dixième album (déjà !) pousuit une histoire commencée dans le précédent, qui ne trouve d’ailleurs pas sa conclusion ici. Faut-il y voir un changement majeur dans une série qui se déclinait jusqu’alors en one-shots relativement indépendants les uns des autres ? La première incidence est un changement dans l’approche : la relecture d’Infiltrations est un préliminaire indispensable à la compréhension de ce Retour de flammes. Paradoxalement, cette étape fait un certain tort à ce nouvel opus car la comparaison ne joue pas en sa faveur sur le plan de l’intensité dramatique.

Ayant peut-être éprouvé la nécessité de faire une pause dans l’action après un final tonitruant et même choquant, Morvan joue plutôt la carte de l’introspection en ramenant Nävis sur la planète de son enfance. Choix qui correspond d’ailleurs à l’évolution psychologique de l’héroïne, désormais tourmentée par les doutes et moins prompte à des comportements expéditifs. Il en résulte en album assez différent des précédents, plus lent, plus « creux » mais qui – la suite le dira – constituera peut-être une transition vers une évolution du personnage.

L’intérêt est peut-être ailleurs. On l’oublierait presque tant Morvan s’évertue à attirer l’attention sur ses histoires, mais Sillage, c’est aussi un graphisme superbe, inventif et d’une constance dans la qualité rarement prise en défaut. Cette petite pause dans le déroulement dramatique permet peut-être de s’attarder à nouveau sur le travail de Buchet. Sans le côté tape-à-l’œil d’unHusk, Sillage charrie à chaque album sa cohorte de robots incroyables et de créatures au physique monstrueux et aux attitudes terriblement humaines. La force émotionnelle qui est souvent la marque de la série provient certes de la construction narrative de Morvan mais également du talent de Buchet. Et cet album le montre probablement un peu plus que les autres.

Avec ce dixième album, Sillage arrive à une étape charnière soulignée par un album atypique, plus mûr, plus profond mais dans lequel il manque peut-être aussi un peu ce de ce qui en a fait le charme jusqu’à présent. Sans être décevant, Retour de flammes ne se classe pas parmi les incontournables d’une série qui, il est vrai, compte quelques perles. Cela ne l’empêche pas de se hisser tranquillement parmi les meilleurs albums SF de l’année.