Dantès 1. La Chute d'un trader
M
ai 2000 : le Gotha parisien de la finance se presse lors d’un gala pour découvrir Dantès, mystérieux milliardaire dont on ignore l’origine de la fortune. Quelques visages ne sont pas inconnus pour ceux qui ont assisté, une dizaine d’années plus tôt, à l’incroyable aventure d’un simple trader qui a provoqué à lui seul un séisme financier…
L’économie et la BD font bon ménage si on en juge par les prépublications récentes dans la presse spécialisée, et par des incursions de moins en moins rares des scénaristes dans le monde hermétique des affaires. Le genre « thriller financier » a pu ainsi faire son apparition, illustré par des séries comme I.R.$.
ou Secrets Bancaires
dont la pertinence technique comme l’intérêt narratif restent assez discutables.
Arborant fièrement le label (rouge, forcément) la classant dans cette catégorie, cette nouvelle série a donc une carte à jouer. Alors, Dantès : cousin de Larry B Max ou clone de Largo Winch ? Ni l’un ni l’autre, car le héros initial somme toute ordinaire, dont l’histoire ressemble « par pure coïncidence » à celle du trader ayant entraîné la chute de la Barings il y a quelques années, ne partage pas par hasard son patronyme avec le comte de Monte-Cristo.
Ce n’est pas la première fois qu’une BD est librement inspirée de cet illustre roman : la Vengeance du Comte Skarbek prétendait par exemple narrer un fait divers ayant inspiré Dumas. Ici, ne serait-ce le nom d’un personnage, la filiation serait plus délicate à repérer puisqu’il s’agit d’une histoire contemporaine dans le milieu pour le moins obscur de la finance. Et pourtant, la trame est étonnamment similaire : ascension brutale d’un jeune homme intelligent et plein d’avenir, trahison, chute et… vengeance impitoyable. Du moins, c’est ce que pourraient nous apprendre les albums à venir puisque le premier ne présente que l’implacable machination dont est victime le héros.
Ce principe simple, sublimé par Dumas, opère ici à nouveau pour emballer un scénario plutôt classique, et captiver un lecteur qui aura surtout cherché à ne pas s’égarer dans les termes techniques. Pierre Boisserie (La Croix de Cazenac
, Voyageur
…) est à l’origine de cette adaptation efficace, qui souffre peut-être d’un démarrage un peu poussif. La caution et l'apport technique de Philippe Guillaume, grand amateur de BD, et accessoirement directeur du service financier des Echos, renforce la crédibilité d’une intrigue qui, par contrecoup, n’est pas toujours accessible au commun des mortels (par exemple quand les traders parient sur la baisse des cours). Les spécialistes se réjouiront pour une fois de voir le sujet traité avec précision. Pour les autres, le thème de la manipulation est clairement perceptible. Il constitue le ressort principal de ce premier tome qui s’achève astucieusement sur un cliffhanger, après avoir gagné en intensité lentement et sûrement tout au long des 46 planches.
L’apport de Philippe Guillaume est également appréciable… au niveau graphique, puisqu’il a notamment conseillé Erik Juszezak pour les nombreux plans ayant pour cadre la Bourse. Cependant, à la différence de l’ambitieux Skarbek de Rosinski, le milieu bancaire ne permet pas vraiment à un dessinateur d’exprimer toutes les facettes de son talent. Sans surprise, l’ensemble est très conventionnel, très proche dans l’esprit de ces albums auquel justement Dantes ne ressemble pas. Sobre, parfois statique, paré de couleurs discrètes, le dessin s’efface opportunément derrière cette intrigue qui est incontestablement l’atout maître des auteurs.
« Les amis d'aujourd'hui sont les ennemis de demain » comme le prétendait Dumas dans son roman. Cette recette miracle, si elle est aussi bien appliquée que dans ce premier tome, promet aux suivants (sept sont au programme) d’être passionnants.
7.2