Le bordel des muses / Le Cabaret des muses 3. Allez, Darling

N on content de revisiter - de façon très libre - la vie de Toulouse-Lautrec, dont la folie douce et les frasques parisiennes constituaient un terrain de choix pour le dessinateur yougoslave, ce dernier lui invente un double chevalin. Et de nous conter dans la foulée grandeur et décadence d'une vedette des hippodromes, toute ressemblance avec des peintres célèbres étant loin d'être fortuite.

De quoi être perplexe… Ou comment passer de l'impressionnisme au surréalisme comme on passe du coq à l'âne - à la jument devrait-on dire. Que les amateurs (nombreux depuis Vincent et Van Gogh) se rassurent : l'album est graphiquement dans la lignée des deux premiers volets. En guise de cases, des tableaux magnifiques à la manière de Renoir, Monet, Lautrec... Les scruter une par une est un régal, vouloir les regarder à la suite un véritable calvaire ! Smudja, déjà pris en flagrant délit d’élucubrations sympathiques dans Mimi et Henry, semble perdre ici totalement les pédales, et sans doute des lecteurs par la même occasion.

La faute à une histoire improbable, décousue, qui bascule dans un délire interminable et sans saveur. A force de flirter avec les limites de l'extravagance, Smujda a vacillé du mauvais côté et se fourvoie dans cette mauvaise farce qu'on survole pudiquement pour conserver une image flatteuse du dessinateur. Il avait peut-être fait le tour de la question en deux tomes, comme semble le montrer un début hésitant, directement inspiré du précédent volet. La confirmation intervient lorsque démarre sans crier « Hue » cette biographie insensée d’un cheval…on ne comprendra jamais vraiment où Smudja voulait en venir.

Etrangement, la série a changé son nom imagé à l’occasion de la sortie de ce troisième volet, suite à une reqûete Moulin Rouge qui se sentait blessé par le terme "Bordel". Abondonnant ainsi un soupçon de caractère, elle y aura surtout beaucoup perdu en intérêt. De l’exercice de style brillant et périlleux au cabotinage, il n’y a qu’un pas que l’auteur a semble-t-il franchi. Pas de quoi être trop inquiet pour lui : il a trop de talent pour ne pas se relever de cette mauvaise chute.

Chronique du t1 : Au Moulin rouge
Chronique du t2 : Mimi et Henri

Moyenne des chroniqueurs
4.0