Empire (Pécau/Kordey) 2. Lady Shelley

A u lieu d’abandonner son armée en Egypte, Napoléon la reprend en main, parvient à conquérir l’Empire Ottoman et, allié au Shah de Perse, se lance à la conquête des Indes. En 1815, alors que l’Empire français et l’Empire britannique se livrent à une guerre sans merci sur le sous-continent indien, les Anglais enregistrent leurs premiers succès, tout aussi inattendus que spectaculaires. Partis à la recherche du général fantôme responsable de ces désastres, les deux espions français, Saint-Elme et Nodier, parviennent, sous de fausses identités, à se rendre au QG des forces anglaises. Là, ils sont mis en présence d’une mystérieuse machine utilisant des cartes perforées…

A l’instar du premier tome, l’album Lady Shelley continue à associer adroitement uchronie, Steam-Punk et fantastique, tout en se basant sur une connaissance poussée de cette époque (notamment celle de l’Empire français et du continent indien à la fin du XVIIIè) ainsi que sur la littérature s’y afférant (celle de Kipling par exemple). En résulte donc un monde totalement fictif et extrêmement riche mais qui n’en reste pas moins crédible et cohérent (à l’exception des machines de la ville de Shamballah). L’environnement, ainsi créé de toute pièce, est à n’en pas douter un des points forts de cette série et on notera également l’intéressante tentative d’y insérer les légendes asiatiques du Yéti et d’Agartha. Les auteurs devront tout de même faire attention à ne pas surcharger leur oeuvre de trop nombreuses idées originales, ce qui risquerait de faire perdre à cette fiction historique et fantasmagorique toute crédibilité.

Réussir à créer un univers imaginaire, à la fois consistent et exaltant, contient néanmoins un piège, très fréquent au sein de la littérature uchronique, à savoir celui de tout miser sur le dépaysement ainsi provoqué en négligeant l’intrigue. Le scénariste Pécau évite cet écueil sans problème en proposant une aventure haletante et maîtrisée ainsi qu’en peignant des personnalités intéressantes. Cependant, après la lecture, on ne peut s’empêcher de penser que l’histoire proposée aurait mérité plusieurs albums. Ainsi, la série aurait sans doute gagné en profondeur en décrivant avec plus de détails la rivalité entre Sher-Kan et Saint Elme.

Du point de vue du dessin, c’est une légère déception qui pointe. Malgré des améliorations évidentes permettant de profiter au maximum de l'atmosphère scénaristique et des machines style Steam-Punk, le trait de Kordey souffre d’un manque de constance et parfois de réalisme dans le rendu des visages. Même si ce problème n’est pas rédhibitoire et ne gâche pas le plaisir de la lecture, un scénario de cette qualité aurait mérité un peu plus de rigueur.

Au final, Lady Shelley confirme tout le bien que l’on pouvait penser de cette série fort originale, qui mériterait néanmoins un développement plus étendu de son intrigue ainsi qu’une plus grande régularité dans le dessin. Malgré ces légers défauts, ce deuxième album d’Empire reste une série d’aventure avec un grand A, offrant au lecteur détente et dépaysement complet.

Moyenne des chroniqueurs
7.0