Le bandit Généreux Frères de cœur

S aga en 32 tomes de 200 planches chacun (!), le Bandit Généreux est le récit d’une légende ancestrale coréenne mettant en scène Lim Keok Jeong, une sorte de Robin des Bois local qui a organisé le soulèvement du peuple contre les seigneurs qui l’opprimaient. Les deux premiers tomes illustrent le parcours initiatique de ce simple baekjeong (l’une des franges les plus pauvres de la société féodale) homme au grand cœur et fort comme un bœuf, et ses premières oppositions face aux terribles injustices dans la Corée du XVIè siècle.

Parmi les commentaires qui préfacent le premier tome, le plus étonnant est celui de Park Jae Dong, auteur de manhwa, qui compare la série à de la viande de Baleine : « elle rebute de prime abord, mais une fois qu’on y a goûté, on devient accro ». C’est vrai que les premières pages sont plutôt décevantes pour ce prix du manwha de l’année 1995, dessiné par l’un des auteurs les plus populaires du pays. La présentation est belle, et contraste d’autant plus avec un dessin en noir et blanc assez imprécis, parfois à la limite du crayonné et avare de décors.

Et puis la magie opère peu à peu, au fur et à mesure que des ressorts comiques pas forcément attendus se mettent en place. C’est là le piège : en lieu et place d’une épopée homérique (et forcément rébarbative s’agissant d’un peuple dont l’européen moyen ne connaît même pas l’histoire récente), s’installe la bonne vieille ritournelle de l’initiation physique et spirituelle d’un combattant fougueux mal dégrossi par un vieillard malicieux et imbattable. Karaté Kid, Star Wars, Le sabre et l’épée… on connaît par cœur les codes du genre, mais ils fonctionnent malgré tout, grâce justement à un sens du rythme éprouvé et à un dessin plus efficace dans le mouvement que dans la représentation statique. De plus, en toile de fond des pitreries du duo, Lee Doo Ho introduit habilement des situations présentant les travers de la société de l’époque et n’hésite pas à aborder des sujets aussi délicats que le viol, l’alcoolisme, la corruption, les inégalités sociales... le tout sans jamais avoir l’air de donner des leçons.

L’effet « viande de baleine » commence à se faire sentir au début du deuxième volet. Le héros ayant terminé sa formation, il est désormais confronté aux dures réalités de l’existence, et notamment à la violence des puissants face aux plus démunis. Ce schéma préfigure probablement le contenu des aventures à venir : des mises en situation, avec un thème plus ou moins grave, mais toujours traitées avec légèreté. L’humour est toujours présent, et la qualité d’écriture rend l’ensemble très fluide et accessible, y compris pour un public jeune qui serait rebuté par le sujet et hésitant devant l’ampleur de l’œuvre.

Les aventures du bandit généreux ne sont pas réellement passionnantes, mais elles sont divertissantes et permettent de découvrir le moyen-âge asiatique sur fond de combats justes et de sentiments nobles. Désuet, mais pas désagréable.

Moyenne des chroniqueurs
6.0