Les aventures d'Hergé

L e 22 mai 1907 naissait Georges Remi, que le monde entier allait connaître sous le pseudonyme Hergé. Le centenaire de cet événement est une occasion idéale pour rééditer un livre épuisé depuis sa première édition en 1999, Les aventures d’Hergé, dessiné par Stanislas sur un scénario de José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental.

Ce livre évoque la vie d’Hergé par l’anecdote, au travers de courts chapitres millésimés : en 1914, le dessin est la seule activité capable de calmer le turbulent petit Georges. En 1925, le voilà chef de patrouille chez les scouts, sous le totem "Renard Curieux". A l'époque, cela fait trois ans qu'il réalise des illustrations pour la revue « Le Boy Scout Belge ». 1928 voit la première apparition d’un fox ressemblant fort à Milou, dans le journal « Le Sifflet ». En 1930, Hergé travaille au Petit Vingtième et son Tintin au pays des Soviets est publié en album pour la première fois. En 1934, Hergé rencontre Tchang, un jeune étudiant chinois dont l’influence marquera son œuvre à jamais. Pendant les années de guerre, Hergé continue Tintin dans le Soir, alors même que ce journal est devenu un organe de la collaboration ; cela lui vaudra d’être sérieusement inquiété à la libération. Et ainsi de suite.

L’ensemble produit, à la manière d’une mosaïque ou d’un tableau impressionniste, un portrait de l’auteur exécuté par Stanislas dans un style « ligne claire » d’autant plus pertinent qu’il ne cherche pas à pasticher celui d’Hergé. La documentation des auteurs est conséquente, et les tintinophiles seront ravis de débusquer dans les cases une myriade de clins d’œil à l’œuvre d’Hergé.

A noter, la version 2007 du livre est enrichie de deux nouveaux chapitres (1928 et 1953) et dotée d’une nouvelle couverture qui, curieusement, semble rendre plus hommage à E.P. Jacobs et à sa Marque Jaune, qu’à Hergé, même si on reconnaît au fond le manoir du professeur Bergamotte (rencontré dans Les 7 boules de cristal). Le fait de profiter d’une réédition pour transformer le contenu est toutefois un acte typiquement hergéen : l’auteur de Tintin intervenait fréquemment sur son œuvre passée, pour homogénéiser le format des albums, ou pour moderniser les véhicules : on connaît trois versions successives de L'île noire, par exemple.

Si on exclut les autobiographies, les biographies en dessins d’auteurs de bande dessinée sont très rares. On pourra donc s’amuser à comparer ce portrait d’Hergé, avec la biographie d’Osamu Tezuka réalisée en quatre volumes (Casterman, collection Ecritures) par le Studio Tezuka. Cette dernière rend un hommage appuyé et sans nuances à Tezuka, en insistant essentiellement sur son œuvre, son génie créatif et les prouesses que le « Maître » était capable d’accomplir : travailler sur une multitude de projets simultanément, dessiner à l’envers, dicter plusieurs scénarios en même temps en case par case, régler au téléphone des détails de trames portant sur des planches réalisées plusieurs jours plus tôt, etc. A contrario, Les aventures d'Hergé ne cherche pas à sacraliser l’auteur, mais à rendre compte de toutes les facettes du personnage. Il y est très peu question du processus de création ou de l’œuvre accomplie, mais surtout de la vie privée de l’artiste.

Malgré la présence en fin de volume d’un « index » qui livre des clés de compréhension sous forme de fiches-personnages, les lecteurs qui ne connaissent pas la biographie d’Hergé sur le bout des doigts pourraient éprouver quelques difficultés à distinguer ce qui relève de la fiction ou du clin d’œil, des anecdotes authentiques. Pour en savoir plus, il faudra se plonger dans les nombreuses études, biographies, analyses thématiques ou livres d’entretiens que l’œuvre d’Hergé a suscités.


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