Le ciel au-dessus de Bruxelles 2. ...[après]

21 mars 2003. Les télévisions du monde entier rapportent en continu des images de la conquête de l’Iraq par les troupes américaines. A Bruxelles, au 25ème étage du Hilton, Jules et Fadya vivent une relation violente, extrême, passionnée. Elle est musulmane, lui est juif. L’amour et l’insouciance sont leurs mots, leur seul moyen de se révolter, mais aussi d’oublier, pour un temps, l’horreur du monde dans lequel ils vivent.

« Imagine que Roméo soit juif et Juliette kamikaze… Le désir de cette histoire est né comme un besoin, à la veille du déclenchement de la guerre en Iraq, au vu de cette nouvelle défaite des pacifistes. Qu’est ce qu’on peut faire quand les puissants décident de faire la guerre ? Ma seule réponse est cette BD. »

A la lecture de ce diptyque, il apparaît comme une évidence que Bernard Yslaire s’est intensément et intimement impliqué dans ce projet qui lui a permis d’exprimer son mal-être et son impuissance. En leitmotiv, des références à Imagine de John Lennon, LA chanson de paix et de rassemblement par excellence, tout comme à ce fameux bed-in qu’il fit avec Yoko Ono pour protester contre la guerre au Vietnam en 1971, également dans une chambre au Hilton. L’auteur a construit une œuvre singulière, inondée d’images de télévision désordonnées, dont un message ressort invariablement : douleur et détresse. Après un premier tome que d’aucuns pourraient qualifier de choquant tant les premiers contacts entre Jules et Fadya furent violents, celui-ci se veut plus provocateur, avec des scènes de sexe assez crues mises en parallèle avec les horreurs de la guerre. L’auteur cherche assurément à interpeller les lecteurs, sachant très bien que bon nombre d’entre eux seront plus interloqués par les scènes érotiques que par celles du conflit iraquien. Un moyen pour lui de nous mettre face à ce triste et terrible constat : nous vivons dans un monde où les images d’amour dérangent plus que les images de haine.

A l’instar de XXe ciel.com, Yslaire soigne au maximum l’aspect visuel, multipliant les nouvelles expériences. Son dessin en tout point remarquable est ainsi largement retouché grâce à des techniques informatiques et mélangé avec des photos issues de journaux télévisés. Par ailleurs, on appréciera le travail effectué au niveau des polices de caractères. Grâce à elles, tous les textes sont écrits en français, et les différences de langues sont représentées par des différences d’écriture. En particulier, les textes en arabe semblent plus vrais que nature, pour des non initiés bien entendu.

Une fois de plus, Bernard Yslaire signe une œuvre atypique et forte qui fera couler beaucoup d’encre. Mais si le message ou la manière de le faire passer peuvent prêter à discussion, tout le monde admettra que l’auteur fait définitivement partie de ceux qui auront donné à la BD ses lettres de noblesse.