Dikhil
P
aolo, artiste peintre, vit à Rome avec Anna, sa compagne depuis bientôt six ans. Sans être spécialement connu, il a un certain succès qui lui permet de subvenir à ses besoins. Cette situation lui convient parfaitement et il voudrait qu’elle dure éternellement. Mais le temps et la stabilité ne font pas bon ménage. Très affecté par les graves problèmes de santé que connaît son père, il apparaît complètement désemparé lorsque Anna lui annonce son désir d’avoir un enfant. La réaction de Paolo est impulsive et lâche. Ce sera la fuite, l’exile dans un petit village d’Afrique noire : Dikhil.
Joël Alessandro, d’origine italienne, signe ici son premier album, une autofiction à la mémoire de son défunt père. Toutefois, à la différence du Journal de mon père ou de S., les rapports père-fils ne sont pas au cœur de l’histoire à proprement parler mais pèsent plutôt dans l’esprit de Pablo et entretiennent son malaise. Le récit est fort, humaniste, combinant la détresse palpable de l’artiste et la beauté de ce village africain, une beauté issue directement de ses habitants de par la sincérité et la simplicité de leurs comportements. Certains regretteront peut-être un excès de bons sentiments ou ne comprendront pas toujours la sérénité dans l’entourage de Pablo mais cela semble au final bien secondaire. L’émotion est là, juste, vraie, de celles qui font des noeuds à l’estomac, décuplée par une postface dans laquelle l’auteur explique sa démarche.
Graphiquement, Joël Alessandro possède un style enlevé, léger et spontané, certainement influencé par Nicolas De Crécy. Le rendu repose ensuite essentiellement sur l’utilisation d’une couleur unique, une sorte de beige, exception faite des quelques aquarelles qui illustrent le travail de Pablo. Cette sobriété crée une ambiance chaude et reposante tout à fait adaptée aux climats italien et africain.
Après À travers moi et Le cadavre et le sofa, Dikhil est le troisième album de la nouvelle collection Discover des éditions Paquet. Bien que très différents, ils démontrent ensemble la bonne santé d’un éditeur entreprenant et sa volonté de toucher un lectorat davantage adulte, à la recherche de BD plus confidentielles ou audacieuses.
7.0