Daredevil (Marvel Graphic Novels) 2. Father
M
att Murdock reçoit une jeune femme dans son cabinet. Elle désire s’offrir ses services afin d’attaquer en justice une compagnie responsable de son cancer des ovaires. Le soir venu, il endosse son costume de justicier, car ses pensées sont hantées par le souvenir de son père, et il a un besoin irrépressible de se changer les idées… En chassant du criminel. Mais une question finit par s’imposer à lui : et si ces réminiscences étaient liées à sa cliente ?
Joe Quesada, rédacteur en chef de Marvel depuis plusieurs années, ressort stylos et crayons et se lance dans une mini série évènement.
Plusieurs choses sautent aux yeux dès les premières planches de ce Father. Tout d’abord, Quesada s’est entouré de véritables références : Danny Miki, encreur ayant œuvré avec les plus grands (Finch, Silvestri, Capüllo, Lee, Kubert…) et surtout le coloriste français Richard Isanove, dont le nom est synonyme de qualité depuis de nombreuses années. Celui-ci a d’ailleurs une large part dans la réussite esthétique des planches de Quesada, puisque son travail « à l’ancienne » (entendre par là « à la main ») détonne dans la production actuelle. De son côté, bien qu’ayant délaissé les crayons depuis de trop nombreuses années, Quesada s’offre le luxe d’un hommage éclatant, et sur plusieurs niveaux, à Frank Miller.
Le dessin fait ainsi montre de troublantes similitudes avec celui de Miller, ses cadrages spectaculaires, ses clairs obscurs à la hache et ses personnages tous plus sombres les uns que les autres. La couleur contribue à cet effort de mimétisme, approchant parfois le style de Lynn Varley (coloriste attitrée de l’auteur de Dark Knight et 300). Ainsi, malgré les imperfections typiques de Quesada (des visages parfois déformés, des proportions douteuses et une musculature dénuée de structure), l’ensemble est cohérent, et semble totalement hors du temps par son refus des conventions esthétiques actuelles.
Si l’ombre de Miller est présente au niveau graphique, elle l’est aussi en termes d’histoire. Quesada a clairement voulu concevoir le Dark Knight de Daredevil, lui offrir une affaire aussi noire que bouleversante et révolutionner le personnage comme a pu le faire Miller dans les années 1980. Imbriquant plusieurs intrigues, l’aventure du héros aveugle mélange de manière insidieuse les personnalités de Murdock/Daredevil, jusqu’à l’empêcher de raisonner clairement. Se laissant berner par les apparences, l’avocat devra laisser place au diable costumé pour résoudre une affaire malsaine et le ramenant définitivement à son enfance, à son accident, à ce camion qui le condamna à la cécité parce qu’il sauva un vieil homme…
Une fois habitué au graphisme époustouflant, le lecteur appréciera une histoire passionnante et foisonnante, baignant dans le non dit et les secrets, malgré plusieurs détails étranges et une ressemblance consommée avec un certain homme chauve-souris dans son incarnation la plus désenchantée.
7.0