S. (Gipi) S.

S. est un recueil composé des quelques souvenirs que Gipi a de son père, homme extraordinaire à l'en croire. L'auteur raconte des moments, héroïques ou pas, où S. l'a impressionné, que ce soit pendant la Seconde Guerre Mondiale ou après la naissance du narrateur.

Même les gribouillis que Gipi fait au téléphone lorsqu'il s'ennuie doivent être superbes et puissants. Alors que dire d'un album très autobiographique, où il évoque son père et l'admiration qu'il lui voue ? Le profond amour qu'il lui porte transparaît dans toutes les planches, miroirs de la dévotion d'un gamin haut comme trois pommes pour son "papa". Certaines histoires sont bouleversantes, tel le récit du bombardement du village natal de ses parents, où la tension et le sentiment de ne rien pouvoir faire envahissent le lecteur de manière très aiguë. De la même manière, la peur des enfants abandonnés sur une île déserte est palpable, et le soulagement réel au retour des pères "indignes".

Le dessin d'une simplicité remarquable, et pourtant singulièrement percutant, entraîne le lecteur dans un maelström de sentiments divergents qui exacerbent des émotions déjà très fortes. Pas besoin d'attendre la fin de l'envoi pour être touché. Une véritable télépathie se met en place entre l'auteur et son lecteur, permettant à celui-ci de partager pleinement le ressenti de l'enfant Gipi.

Il est difficile de parler des travaux de Gipi sans se parjurer, tant chaque album mérite, indépendamment des autres, la mention de "chef-d'oeuvre". Cependant, S. atteint une intensité que l'on n'avait plus retrouvée depuis Notes pour une histoire de guerre. Et ce n'est pas rien de le dire !