Desolation Jones Made in England

M ichael Jones est un ancien espion britannique, mis en retraite forcée suite à une expérience médicale aussi douloureuse qu’inefficace, le Desolation Test. Devenu totalement amoral, ne ressentant plus aucune émotion ni la moindre douleur, Jones est désormais détective privé au service exclusif d’une communauté d’anciens cobayes comme lui. Il est appelé par un certain Nigh, ancien colonel et pornophage assumé, qui le charge de retrouver une vidéo tournée par Adolf Hitler dans son bunker durant la seconde guerre mondiale. Mais fatalement, Jones découvre rapidement que tout n’est pas si simple…

Warren Ellis, le dynamiteur des histoires de super héros (The Authority, DV8) s’associe au surdoué J.H. Williams III (Promethea) pour composer ce drôle de polar.

Jones est un anti-héros redoutable. Il n’éprouve aucune émotion, il se défie du genre humain comme de la peste, et sa phobie du sommeil lui permet de réfléchir pendant des jours sans discontinuer. Ellis lui offre malgré tout une véritable efficacité au combat, qui lui permet d’obtenir en dernier recours ce qu’il demandait. Car si le prétexte grotesque d’un porno tourné par Hitler peut faire sourire, les véritables raisons de cette enquête sont bien moins gouleyantes et les ennemis que Jones va se créer au cours de cette histoire sont bien plus teigneux qu’il ne l’attendait. Sa sauvagerie et son manque d’humanité sont la seule réponse qu’il peut offrir à la dégénérescence de ses compatriotes, et à la folie communicative de Los Angeles, ville qui n’est pas présentée ici sous son meilleur jour…

Si l’aventure policière décalée et résolument cynique de Michael Jones apporte son lot d’émotions fortes, c’est en grande partie du au graphisme ahurissant de Williams. Les séquences de flash-back sont en lavis grisâtre tandis que la réalité est aussi abrupte que clinquante, avec son encrage chirurgical et ses couleurs criardes. D’une double planche construite comme un jeu de l’oie à un impact en noir et blanc, ce dessinateur étale sa maestria avec une efficacité redoutable. Et souligne toujours la noirceur et le pessimisme du propos de son compère scénariste.

Plus que l’histoire en elle-même, c’est bien le traitement et l’ambiance qui rendent ce titre si particulier. Car un soldat qui obtient de super pouvoirs suite à des expériences douloureuses, c’est du déjà vu, Wolverine peut en témoigner. Sauf qu’ici, le prix à payer est bien plus lourd que les avantages acquis. Et les savants fous ont caché leurs erreurs dans une Cité des Anges peuplée de dingues. Warren Ellis n’aime pas faire dans le politiquement correct. Et c’est tant mieux.