America (Ichiguchi)
D
ans l’ordre d’apparition à l’écran : Nae, étudiante férue de journalisme ; Takako, ayant déjà étudié aux Etats-Unis ; Koji, apprenti cuistot ; Naoyuki, beau gosse guitariste ; Huey, blondinet de ces dames à fort tempérament ; et enfin Mariko, un peu tête en l’air, un peu naïve, mais si attachante… Hormis leur amitié, et leurs relations amoureuses pour certains, le lien entre ces personnes est simple. Ils rêvent tous à leur manière de l’Amérique. Pour certains c’est le pays. Pour d’autres, la musique. Pour d’autres encore, un métier prestigieux. Ils sont jeunes, pleins d’entrain et d’illusions. Et la confrontation avec la réalité sera l’occasion pour eux de grandir, de passer un cap. Quitte à perdre leur innocence…
Keiko Ichiguchi, déjà remarquée en France pour 1945, revient ici sur un sujet fort (la fin de l’adolescence et ses heurts) par un biais un peu particulier, mais qui finalement touche aussi le lecteur français : l’Amérique et ses illusions. Pas le pays, non, plutôt le rêve américain, revu et corrigé à travers les destins liés de six japonais.
Loin de survoler un concept un peu étrange, Ichiguchi ose jeter ses protagonistes dans des situations parfois tragiques (trafics divers, injustice flagrante, viol…), indiquant clairement que son livre n’est pas une mince affaire. Et adressant par la même occasion un message clair à ses lecteurs : les rêves et les ambitions valent peut-être tous les sacrifices, mais on ne gagne pas à tous les coups. Aucun cynisme ici, ni leçon de morale, mais de simples constats des faits résultant des choix des personnages.
Si le graphisme peut sembler confus, avec ses caractéristiques typiquement shojo (gros plans larmoyants, fleurs et pétales de cerisiers…), il créé un choc proche du clair-obscur avec la noirceur de certains passages de l’histoire, augmentant ainsi sa portée émotionnelle. Est-il utile, dès lors, de préciser que certaines faiblesses se font voir, au gré des pages ? Des visages changeant de case en case, une anatomie parfois hasardeuse, il est visible que l'auteur a travaillé de manière libre.
Car tout est là : les mésaventures des personnages peuvent paraître exagérées, cruelles ou inutiles, elles n’en amènent pas moins une forte empathie envers eux. De ce point de vue, purement romantique, ce livre est une réussite. Et ses défauts passent au second plan, pour peu que le lecteur entre dans le jeu.
6.0