Bunker (Betbeder/Bec) 1. Les frontières interdites

A leksi Stassik est une nouvelle recrue au sein de l’armée Veliikistok. Il rejoint son affectation, le prestigieux Bunker 37, placé sur la ligne de démarcation entre son pays et les terres des Ieretiks, l’ennemi juré. Une fois arrivé sur place, il découvre une vérité étrange : personne, parmi les soldats, ne semble avoir déjà vu un Ieretik. Et les patrouilles disparaissent parfois sans laisser de traces, décimées semble-t-il par quelque chose d’énorme, de monstrueux…

Christophe Bec, dessinateur du best-seller Sanctuaire (Les Humanoïdes Associés), et Stéphane Betbeder, scénariste de Alister Kayne (Albin Michel), associent leurs talents pour la première fois sur ce projet ambitieux, mélangeant politique-fiction, fantastique et ésotérisme.

L’histoire écrite à quatre mains lance de nombreuses pistes, souvent brumeuses, mais aligne les poncifs et les dialogues navrants. Les personnages pâtissent d’un manque de charisme effroyable, pénalisés par des répliques à l’américaine ou des dialogues ampoulés et interminables. L’ambiance, froide et étrange à souhait, est soulignée de manière parfois abusive par des références constantes aux pays communistes, que ce soit au niveau des rapports entre les personnages (très politisés, remplis de sous-entendus et de menaces cachées) ou des termes utilisés, très russes dans l’âme. La montagne, enfin, joue un rôle prépondérant. Inquiétante, écrasante, elle apparaît comme une menace pour tous les personnages du fait de sa seule présence.

Dessinés de manière quasiment photo réaliste, les sommets enneigés forment un décor somptueux, dans lequel des personnages inégaux évoluent difficilement. Inégaux, car Bec alterne de manière parfois inattendue les portraits réalistes qui ont fait son succès dans Sanctuaire avec des visages plus inachevés, crasseux et à l’encrage enlevé. Et l’utilisation massive de documents photographiques finit par peser, tant et si bien que les planches qui semblent être dessinées sans modèle peuvent choquer. Difficile en effet de ne pas reconnaître Jurgen Prochnov dans le rôle d’Hynek, gradé sans scrupule, ou Dolph Lundgren dans le double rôle des frères Guermoguen. Ce qui pourrait faire figure de clin d’œil sympathique dans quelques cases devient pesant, utilisé de manière systématique sur un album entier. Il est aussi évident qu’un dessin s'appuyant sur de tels parti pris gagne en réalisme ce qu’il perd en dynamisme.

Un premier album de mise en place, donc, qui souffre d’un manque de crédibilité et d’originalité criant, et qui peut être considéré comme sauvé par un graphisme soigné mais pas aussi virtuose qu’il n’en a l’air. À suivre, sans grande conviction…