Derniers rappels

R ay Beam est une star du rock. Son groupe, Tricks, lui a apporté gloire et célébrité, et la carrière en solo qui a suivi n’a fait que confirmer son talent. Mais il est désormais totalement largué, accro à la drogue, l’argent et au sexe faciles. Il n’a plus goût à rien, n’a composé qu’une chanson valable en 5 ans, et la presse spécialisée radote de vieilles rumeurs sur son compte, à défaut d’exclusivités. Mais Ray Beam va rencontrer une personne qui va tout changer, une jeune femme timide qui s’appelle Lily, et qui risque bien de bouleverser sa vie…

Alex Robinson s’est fait connaître avec son fameux De Mal en Pis, succès critique et commercial inattendu sorti en 2004. Il reprend ici le même principe de structure narrative, mais enrichit sa formule d’une histoire plus puissante et plus typée qu’auparavant. Et après la semi déception de Bonus, il est évident que ce nouveau livre était attendu au tournant.

Conçu comme une spirale, ou un puzzle, Derniers Rappels couvre une période de plusieurs semaines de la vie d’un groupe de personnes que tout sépare. Ray Beam, rock star ayant perdu toute illusion. Lily, sa future muse, une femme tellement normale qu’elle en devient exceptionnelle dans un tel environnement. Caprice, serveuse dans un restaurant, dont les errances sentimentales seront un facteur majeur de l’histoire. D’autres protagonistes apporteront leur pierre à l'édifice : Nick, dont le principal talent est de mentir et de duper les autres ; Richard, dont la vie de couple avec Franck est bouleversée par l’arrivée de sa fille Phoebe, dont il avait occulté l'existence, et qui souhaite aujourd'hui le rencontrer. Et enfin Steve, un névrosé paranoïaque et schizophrène, sujet à des divagations hallucinées sur le sens caché de tout et de rien et passionné infatigable de Ray Beam… La boucle est bouclée. Robinson gère sa galerie de personnages avec une maestria étonnante au vu de l’ampleur du sujet. Car loin de la simple chronique, c'est un véritable thriller caché. En effet, l'auteur joue avec un chapitrage inversé qui symbolise l'accélération des évéments, cela en parallèle avec la folie de plus en plus absolue de Steve. Le paroxysme est atteint lors de la scène finale qui comme dans les classiques du genre, regroupera dans une même pièce l'ensemble des acteurs.

Le graphisme, lui, est au service de l’histoire, rien de plus. Le style de Robinson a finalement peu évolué depuis De mal en pis : il s’est juste posé et a désormais une identité propre. La mise en page fonctionne à merveille, chaque personnage racontant lui-même ses mésaventures ou dévoilant ses pensées au fur et à mesure, ce qui aurait pu rendre le livre indigeste ou pontifiant.

Le lecteur ayant apprécié De mal en pis retrouvera ici ses marques avec une pointe d’agacement au début (le type de construction du récit étant déjà éprouvé, on aurait pu croire que l’auteur en changerait), mais le plaisir revient rapidement avec une histoire plus sombre et plus complexe qu’il n’y paraît. Une véritable réussite donc, même si elle n’a plus le goût de la nouveauté.