Interiorae 2. Interiorae 2

U n grand lapin blanc observe les habitants d'un immeuble, pour faire un compte-rendu de leurs vies à un être noir qui vit dans les caves. Il lui parle de cette femme qui a pris un amant, de cet homme qui se lasse de son amie, du junkie qui se laisse aller pendant que sa mère se fait petit à petit lifter tout le corps et, surtout, de cette vieille femme qui fait des expériences de rêves hallucinatoires, et serait bien capable de voir qui est réellement l'habitant de la cave.

Interiorae est un petit ovni, dans son fond comme dans sa forme. L'album est d'une extrême lenteur, recréant l'atmosphère ouatée de la neige qui le domine et l'enveloppe comme dans un cocon. Les personnages sont inconnus, et pourtant leurs histoires sont universelles et font résonner chez le lecteur des souvenirs, qu'ils soient personnels ou de lectures, films ... Quant à ce grand lapin, qui joue avec des fantômes et paraît bien plus réel que les stéréotypes habitant l'immeuble, il est assez mystérieux pour donner envie d'en savoir plus. Lapin d'Alice, il entraîne ses poursuivants dans un voyage intérieur des plus intéressants.

Le graphisme de Gabriella Gandolli est tout à fait particulier, et rare dans les albums parus en France. Elle travaille en noir et blanc, portant une attention toute particulière aux textures et à l'épaisseur qu'elle peut donner aux éléments, donnant à chaque objet une vie propre qui lui permet d'interagir avec les autres occupants des cases. Ses personnages, singulièrement androgynes, sont autant de rappels d'une déchéance sociale que l'auteur observe très finement. Ils sont si délicats qu'ils paraissent se casser à la moindre émotion, tout en restant de fait plus forts et cyniques que l'on pourrait croire.

Interiorae est un album singulier, à part. Il se rattache à peu de choses, se lit comme dans un rêve tant son cheminement paraît onirique et, pourtant, se veut une critique féroce de la misère sociale. Critique que l'on sent sous-jacente à chacune des "historiettes" de l'album. Pourquoi pas ? Mais pourquoi ne pas le lire, simplement, comme un rêve un peu douloureux sur un immeuble tellement comme les autres ?

Moyenne des chroniqueurs
7.0