Le scorpion 7. Au Nom du Père

R ome, vers la moitié du XVIIIè siècle. Rentrés secrètement sans la vraie croix de Saint Pierre, preuve essentielle de l'illégitimité de l'élection du Cardinal Trébaldi à la papauté, le Scorpion, son ami le hussard et la gitane Méjai découvrent une ville où, plus que jamais pressé d'effacer toutes traces de son passé, le nouveau pontife fait régner la terreur. Partout, se dressent des bûchers sur lesquels périssent les opposants avérés ou présumés du nouvel ordre papal. Malgré ce vent de terreur qui souffle sur la ville sainte et bientôt sur toute l’Europe, le Scorpion est bien décidé à faire tomber Trébaldi, car il sait qu’il trouvera les preuves dont il a besoin dans les motifs avancés dans la condamnation de sa mère pour sorcellerie…

Ce nouvel album plaira sûrement aux afficinonados qui s’étaient plaints du foisonnement de mystères et du manque d’enthousiasme des auteurs à y trouver une réponse. Or, depuis l’album précédent, le scénariste Desbergh mets un point d’honneur à répondre, partiellement ou complètement, aux questions posées par le premier cycle et ce, sûrement afin de mieux relancer la série. Ici, ce sont les origines du héros principal qui sont enfin dévoilées. De plus, sa relation ambiguë avec la gitane Mejaï est sur le point de se clarifier. Le premier cycle est donc quasiment clôturé.

Ce qui surprend réellement, et en même temps relance la série, c’est le changement radical de ton par rapport aux six premiers albums. En effet, avec l’emprise de Trébaldi sur la chrétienté, Desbergh met fin à l’insouciance tant du héros que de l’intrigue, insouciance qui faisait furieusement penser aux classiques de capes et d’épées. Les luttes de pouvoir des neuf familles ainsi que leur volonté d’anéantir toute forme de liberté ne représentent plus un danger hypothétique qu’il convient de contrer mais bien une réalité contre laquelle il faut à tout prix se révolter. Symbolisant les libertés sexuelles et intellectuelles, les amis du Scorpion sont tous touchés par la vague de répression et le scénariste n'hésite pas à en sacrifier quelques-uns. Agissant en véritable bête traquée, le Scorpion révèle même une certaine noirceur car il est prêt à toutes les violences pour abattre son ennemi. Assurément, l’ambiance générale est beaucoup plus sombre et beaucoup plus pesante qu’à l’accoutumée. Ce 7è opus se distingue également par un traitement plus complexe et subtil de la personnalité du « méchant », Trébaldi ayant peut-être des raisons personnelles à agir comme il le fait.

Toujours aussi parfaitement réaliste, le trait de Marini soutient le changement de ton général. Les couleurs se font plus sombres et les auteurs ont d’ailleurs choisi des costumes moins rutilants pour leurs personnages. Les décors, moins impressionnants, sont d’autant plus intimistes, ce qui renforce grandement le sentiment d’oppression. Comme d’habitude, le trait parfaitement maîtrisé de Marini ne souffre d’aucune critique tellement il est sompteux de grâce et de précision.

Au Nom du Père remplit donc parfaitement son rôle de lancement du second cycle avec une continuité dans l’intrigue et dans l’action mais en plus avec une réelle nouveauté dans le chef d’une atmosphère beaucoup plus glaciale et violente. Une véritable bonne surprise pour une série populaire que l’on pensait canevassée depuis quelques albums.