Empire (Pécau/Kordey) 1. Le Général fantôme

1799. Au lieu d’abandonner son armée en Egypte, Napoléon la reprend en main et parvient à conquérir l’Empire Ottoman. Allié au Shah de Perse, l'Empire français se lance à la conquête des Indes. Quinze ans plus tard, alors que les Anglais s'accrochent à la partie orientale du Bengale, les Français subissent leur première défaite. Une rumeur court alors sur un nouveau général anglais aussi doué que mystérieux. Savary, le chef des services spéciaux français, dépêche deux de ses meilleurs éléments, le capitaine de Saint-Elme et le scientifique spécialiste de l’occulte Charles Nodier. Leur mission : découvrir l’identité de ce général fantôme et le neutraliser.

Petit à petit, l’Uchronie (*) fait son chemin au sein du 9è art et c’est tant mieux car ce genre a généralement le don d’augmenter la créativité des auteurs. Basé sur une connaissance assez poussée tant du Premier Empire (le vrai) que de l’Inde, le postulat uchronique, bien qu’invraisemblable, apparaît complètement crédible aux yeux du lecteur. Ainsi, certaines inventions de l’époque et même des personnages historiques (pour certains, déjà morts en 1815 dans la réalité) apparaissent dans le récit afin de le crédibiliser. Le lecteur est complètement transporté dans cette Histoire alternative qui voit le théâtre d'opérations des guerres napoléoniennes se situer non pas en Europe mais sur le continent asiatique.

Afin de pimenter son récit, le scénariste se permet même de le saupoudrer, sans excès, de Steam-Punk et d’un peu de fantastique. La technologie à la vapeur est poussée à ses extrémités (tanks, cuirassés, dirigeables) et les inventions d’un certain monsieur Volta commencent à être exploitées. De plus, certains éléments fantastiques comme des Djinns ou des références aux légendes celtiques ne sont jamais loin. On appréciera également les subtiles allusions à la littérature de l’époque tels que Frankenstein, Le Livre de la Jungle ou le Tour du Monde en 80 jours.

Non content d’avoir développé un décor extrêmement riche, le scénariste nous plonge également dans un récit d’aventure et d’espionnage pur jus, qui se suffit à lui-même. En aucun cas, il ne sert que de support à l’environnement uchronique (un défaut largement répandu dans ce genre littéraire). Servie par les personnalités antagonistes mais complémentaires des deux personnages principaux, la narration est des plus nerveuse et cohérente.

Quant aux dessins, Kordey évite les nombreuses approximations auxquelles il nous avait habitués dans les quatre premiers tomes de l’Histoire secrète. Son dessin est clair et parvient à tirer profit au maximum du postulat uchronique. On regrettera néanmoins l’utilisation de couleurs trop sombres pour les machines (comme les cuirassés ou les tanks), ce qui empêche d’apprécier le travail de Kordey à sa juste valeur. Enfin, un léger relâchement du dessin apparaît de temps en temps d’une case à l’autre, léger défaut qui ne gâche pas vraiment la lecture mais qui devra néanmoins être corrigé.

Après une Histoire secrète fort décriée, le scénariste Pécau semble être arrivé à trouver la juste alchimie entre Uchronie, fantastique et steam-punk. Servi par un dessin plus que correct de Kordey et maîtrisant parfaitement son ouvrage, il propose un récit imaginatif, tout à la fois crédible et prenant.


(*) Pour ceux qui ne le sauraient pas, l’Uchronie est un genre narratif dans lequel l’auteur change un évènement historique, ce qui a comme conséquence, via un effet papillon, de bouleverser complètement l’Histoire et de créer alors une Histoire alternative

Moyenne des chroniqueurs
5.3