Les tuniques bleues 50. La traque
A
u cours de la dernière bataille, un vent de panique a rugi sur les troupes yankees, et même les officiers ont abandonné leurs positions en plein combat. Dans ce genre de situation, la Cour martiale ne fait pas de cadeau. Seulement, là... près de trois quarts des hommes manquent à l'appel. Grant décide de faire preuve d'une clémence exceptionnelle : l'impunité est promise aux déserteurs qui rentreront dans le rang (et une balle à bout portant à ceux qui s'y refuseront). Blutch (qui, étonnamment, n'est pas au nombre des déserteurs) et Chesterfield font partie des soldats désignés pour partir à la recherche de leurs camarades fuyards, dispersés un peu partout dans l'arrière-pays, y compris en zone ennemie...
De nombreuses séries s'essoufflent à mesure que le nombre d'épisodes augmente ; ce n'est pas le cas des Tuniques bleues, œuvre qui reste d'une excellente tenue. Résolument pacifiste, cette saga montre l'absurdité des conflits armés. Cauvin et Lambil n'hésitent pas à étaler des morts et des blessés, ni à dénoncer le peu de cas que les états-majors font de leurs troupes. Peu importent les carnages et les pertes humaines ! Comme dans une partie d'échecs, le but des généraux n'est pas de préserver chacune des pièces, mais uniquement de gagner la partie.
Pour que ce message passe en douceur, tout en captivant le jeune public, Cauvin a eu la bonne idée de remplacer l'héroïsme viril par de l'humour. La réunion de Blutch, qui a l'âme d'un objecteur de conscience, et de Chesterfield qui a un sens aigu du devoir, produit un contraste comique qui, après cinquante aventures, tient toujours la route.
A l'occasion de ce tome 50, Raoul Cauvin a voulu adresser un clin d'œil aux jeunes auteurs que lui-même et son comparse Lambil étaient il y a quelques années, en organisant le retour de Blutch et Chesterfield à la prison de Robertsonville. Les personnages y retrouvent ce lieutenant tyrannique qui voulait les mater, ainsi que l'épouvantable Cancrelat. Bonne occasion pour comparer les deux albums, et admirer comme le style de Lambil, déjà très accompli à l'époque avec un sens remarquable des compositions de foule, a gagné en dynamique et en expressivité avec le temps.
La traque s'achève de façon bien intrigante, avec un Stark plus fêlé que jamais et nos deux héros qui valent à peine mieux... de quoi amorcer les prochains tomes ?
5.8