Abdallahi 2. Seconde Partie
E
n 1827, le monde occidental est fasciné par Tombouctou, réputée pour son image d’une ville riche et prospère, mais surtout strictement interdite aux blancs. René Caillié fut le premier européen à s’y rendre et en revenir vivant. Pour cela, tandis qu’avant lui d’autres avaient en vain levé des armées pour tenter l’aventure, lui est parti seul, avec la ferme intention de passer pour un Musulman. C’est ainsi qu’après s’être fait accepter par une tribu maure, les Braknas, il devient Abdallahi, "le serviteur de Dieu", et s’invente des origines égyptiennes. Accompagné d’un guide noir, Arafanba, son périple s’avère toutefois vite quasiment inhumain. Sur le point d’abandonner, les rives du Niger au-delà de Djenné lui redonnent du baume au cœur : la cité mythique n’est plus très loin.
Christophe Dabitch et Jean-Denis Pendanx ont parfaitement réussi l’adaptation en bande dessinée de cette expédition qui devaient durer près de dix-huit mois pour environ 4000 kilomètres d’épreuves physiques et morales. À retenir en particulier l’habileté dont ils font preuve pour décrire le cheminement intellectuel de René Caillié, utilisant d’abord l’Islam pour ses propres intérêts, mais y accordant en définitive un respect total et sincère. Dans cette deuxième partie, les instants de bonheur ou de sérénité sont quasiment inexistants, la détresse est omniprésente. Abdallahi ne se remettra pas de sa déception en découvrant une ville finalement bien triste en sans éclat, et en assistant à la fin tragique de son ami Arafanba, transcendé par une quête à l’issue inéluctable au nom d’un peuple asservi. Son retour par le désert du Sahara est un véritable calvaire, il est en proie à la folie et se referme sur lui-même, seul avec ses doutes quant à l’utilité de son voyage.
Un voyage mis en images par Pendanx de manière très subtile, tout en finesse. L’album est peint, rappelant les courants impressionnistes, avec en particulier un travail sur les lumières tout à fait remarquable. En plein soleil, l’auteur n’hésite pas à sur-illuminer ses dessins et à utiliser des effets de flou pour éblouir le lecteur. À côté de cela, Tombouctou est au contraire bien terne, exprimant très justement les sentiments d’Abdallahi. L’expressivité des visages est également saisissante, autant pour les rares sourires éclatants que pour le désespoir émanant de ces esclaves traités comme du bétail qui ne protestent même plus tant leur peuple s’est habitué à ce triste sort.
Abdallahi est le récit d’une aventure au-delà des limites humaines. Le récit juste et poignant d’un voyage au cœur de l’Afrique, avec ses couleurs, ses lumières, mais surtout sa détresse.
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8.3