Les plombs de Venise 1. L'enfer pour compagnon

A venturier, libre penseur, espion, Giacomo Casanova est avant tout ce séducteur aux cent vingt-deux conquêtes, qui se confond parfois avec la figure de Don Juan. Contrairement à ce dernier, Casanova a réellement existé. De sa vie mouvementée il nous a laissé des Mémoires rédigés en français. Patrick Mallet qui signe là son premier album, n’a retenu du texte que le moment le plus célèbre, celui qui a trait à sa brillante évasion des prisons de Venise.

Juillet 1755. Soupçonné par l’inquisition de s’adonner à la sorcellerie, Casanova est condamné à « passer sous les plombs ». Ces plombs ce sont les cachots situés au dernier étage du Palais des Doges et qui doivent leur nom au métal qui en recouvre les toits.

Affichant une volonté de sortir des clichés, l’auteur se propose de retrouver l’homme derrière le mythe. Le début de l’ouvrage montre Casanova dans l’insouciance de sa vie de libertin tandis qu’à son insu se trame le complot qui conduira à son arrestation. Le ton manque un peu de naturel et il nous faut un certain temps pour accepter ce XVIIIe siècle au sujet duquel l’auteur ne s’est guère attardé à remettre en contexte les spécificités. La personnalité de Casanova quant à elle n’est que trop sommairement évoquée, et le dialogue semble trop « écrit ».

Cependant la suite remporte rapidement l’adhésion, dès que se font sentir les effets de la mise en marche de l’implacable machine judiciaire. Le destin de Casanova prend alors une dimension universelle : c’est celui de tout homme dont la vie bascule brusquement dans l’arbitraire. Les conséquences de l’incarcération et de l’isolement qui menacent de conduire à la folie sont finement traitées et à ce titre, la relation du héros avec son geôlier est particulièrement intéressante. Autre élément à souligner, l’auteur a judicieusement préféré conserver à son personnage une part de mystère plutôt que d’avoir recours aux facilités que pouvaient procurer un récit à la première personne.

Quant à l’aspect formel, disons-le franchement, la première impression est celle du «déjà vu». Aussi bien le graphisme que les couleurs évoquent les travaux de nombre des tenants de la «nouvelle b.d. . Mais une fois passée cette sensation on se surprend à découvrir les caractéristiques d’un dessinateur original. Le récit est servi par découpage qui mise sur la lisibilité, peut-être induite par le petit format de l’album. Le trait possède une véritable élégance : les personnages sont traités dans une manière quelque peu schématique et faussement naïve qui n’est pas sans charme, tandis que certaines solutions graphiques traduisent remarquablement le confinement du héros dans sa cellule comme les divagations de son esprit.

L’auteur a réussi son pari, celui de nous rendre familier un personnage célèbre mais dont la vérité nous est éloignée, et de nous intéresser à son sort. C’est donc avec curiosité que nous lirons la suite de cette série prévue en trois tomes.

Moyenne des chroniqueurs
6.5